Respirer l'iode à l'embouchure de l'oued, écouter le fracas des vagues et assister à la pêche des goélands… Profitez de l'été indien pour une balade vivifiante du Chéliff à la mer, à seulement quinze kilomètres de Mostaganem. A seulement quinze kilomètres de Mostaganem, en allant vers l'est, après avoir côtoyé les rudes pentes du Djebel Ed-Diss, on découvre en contrebas, une immense étendue, toute plane. Le contraste est saisissant avec le maquis broussailleux de la montagne toute proche. Ici, ce sont les terres alluvionnaires de l'embouchure du Chéliff sur lesquelles vit une population de fellahs pêcheurs. La proximité de la mer, la présence d'un nappe phréatique si peu profonde et le génie de l'homme auront fait des ces espaces conquis à la rocaille et à la mer, un fertile maraicher. Où poussent presque sans discontinuer, les tomates les plus succulentes de la région. Abreuvée à une eau saumâtre, cette solanacée profite également de la brise marine que des alignements de roseaux tentent frénétiquement d'atténuer, pour rentrer sur les marchés aussi tôt que sa cousine des serres. Long de plus de 730 kilomètres, l'oued Chéliff qui coupe la plaine en deux parties distinctes, n'est jamais à sec à l'approche de la mer. Que l'on rejoint en longeant la rive droite, grâce à une piste boueuse et austère durant l'hiver, mais parfaitement praticable durant la saison chaude. Aménagée entre les alignements de roseaux communs, de Tamarix et les alignements incertains des plantes halophiles (qui ont besoin de sel pour pousser) comme la salicorne, le sentier nous dépose doucement sur les sables de la plage naissante. Ici, avant de se mélanger à la mer, les eaux boueuses de l'oued forme une anse qui se déplace au grès des flots et des saisons. L'échange est toujours équitable et le rivage est d'une rare félicité. Surtout à l'automne, lorsque les frêles flamands roses y font une halte salvatrice. Se mélangeant harmonieusement aux sédentaires, comme les canards colvert et les lourds goélands dont les colonies se rassemblent sur le sable avant de prendre le large ; à la recherche des bancs de sardines ou d'anchois, leur principale nourriture. Une fois repus, les lourds volatiles viennent se poser sur le sable où la quiétude des lieux leur offre le calme absolu. La RN11 est déjà bien loin. Ni le bruit des lourds engins ni les klaxons intempestifs des autocars ne sont perceptibles de cet endroit. Les vents incessants et le fracas des vagues ne laissent rien percevoir de l'activité humaine. Derrière la dune côtière, les premières parcelles à maraichage semblent défier les éléments. Au début de l'été, le lis maritime y fait d'étonnantes apparitions. Après l'embouchure du Chéliff, la balade peut reprendre car sur la large bande de sable qui s'étire à perte de vue, on aperçoit déjà les falaises de Sokhra, une merveille de plage dont le sable change de couleur à mesure que l'on s'éloigne de l'embouchure, prenant des tons de plus en plus ocre. Ecrasés par les vents dominants, les pins maritimes prennent des formes inhabituelles. Au lieu de pousser en hauteur comme l'impose l'appartenance à une espèce connue pour sa rusticité, les arbres se développent tous à l'horizontale ! Souvent ils donnent l'impression d'avoir été écrasés par des pieds de géant. Mais dès qu'un talweg creuse son sillon, les arbres en profitent pour lever la tête. Pas beaucoup, juste à hauteur des talus. La végétation se fait de plus en plus touffue. Ruines des maisons antiques Le sentier qui permet au vacanciers de rejoindre la mer apparaît comme une blessure rougeoyante, l'oxyde fer impose à la terre une coloration chatoyante. Encore une dizaine de minutes de marche forcée, puis c'est le rocher de l'antique village de Chaïbia. C'est ici que commence le piémont de la montagne sur laquelle trône majestueusement le phare de Cap Ivi. A travers les touffes d'alfa, on aperçoit distinctement les ruines des maisons antiques. Envahies par le sable des dunes naissantes, les maisons des pêcheurs, construites il y a plus de deux mille ans, continuent de garder leur secret. Ici, aucune fouille d'amateurs, aucun travail d'archéologue, aucune protection de cette merveille de village côtier. Selon certains historiens, le village aurait abrité également un port maritime, la configuration de la côte s'y prêtant à merveille avec une petite anse taillée dans les rochers. Il est vrai qu'ici la profondeur de l'eau permet toute les spéculations. Surtout lorsque l'on sait que juste derrière la montagne s'élève la cité punique de Quiza Municipae, dont l'étendue des ruines dénote de la présence d'une grande agglomération. Les premières touffes de genêt blanc font leur apparition. Très odorants lorsqu'ils sont en fleurs, les arbustes annoncent régulièrement le printemps. Un petit monticule dominé par des roches saillantes coupe la plage de Chaïbia en deux parties inégales. L'exposition aux vents participe à la formation de langoureuses dunes de sable rouge doré. Une fois dépassé ce monticule, on se retrouve sur le sable fin. La montagne est déjà bien engagée lorsqu'apparaissent les premiers oxycèdres. Le sol plus profond permet à un bosquet de genévriers de Phénicie de se frayer un espace. Ces arbustes endémiques s'accrochent à la pente avec détermination. Dans les espaces découverts, pousse l'odorante lavande. En bordure de mer, entre les rochers, de minces filets d'eau douce jalonnent le sentier. Les habitants du coin n'hésitent pas à venir à dos d'ânes s'y approvisionner hiver comme été. Aux abords des minces et persistants filets d'eau, de minuscules fougères et autres ajoncs se développent sans se soucier de la proximité de la mer. Sans ces sources, il n'est pas certain que l'homme aurait continué à vivre ici. Puis soudain, la falaise se faisant plus sauvage, met fin à la corniche, obligeant les visiteurs à remonter à travers le sentier qui mènent au phare. Qui se fait de plus en plus imposant. En empruntant le talweg, on passe par des sentiers pittoresques où les pins, de plus en plus ragaillardis se mêlent à l'oxycèdre et au pistachier. Par endroit, la forêt se fait de plus en plus luxuriante. La pente douce qui serpente follement entre les bosquets de genets, débouche soudain sur une futaie de genévriers de Phénicie et de pistachiers térébinthe aux fruits rouges. Depuis la mer en contrebas, parvient une brise rafraichissante qui incite à la paresse. Là on est vraiment tenté de s'arrêter pour humer l'air pur qui irrite les narines et la gorge. On peut se laisser tenter et marquer une pause pour grignoter. Mais attention au coup de barre, car la pente n'est pas finie. Reprendre la marche ne sera pas de regret, car une fois franchies les premières touffes d'alfa, on débouche sur un paquet de maisons. Des tuiles rouges s'échappe souvent une fumée, preuve que des gens vivent ici. Abritées derrière un mamelon qui les protège des vents du nord et d'ouest, les quelques familles qui vivent dans ce havre à moins de soixante-dix mètres du niveau de la mer, ont développé un sens de l'hospitalité insoupçonnable de nos jours. Le chef du clan, un ancien gardien du phare vit une retraite paisible. Ses figuiers et son potager constituent pratiquement sa seule ressource. Une basse-cour très bruyante, assure le complément en œufs frais et en viande. En toutes saisons, grâce à un accueil très convivial, des amateurs de pêche à la ligne et de plongée sous marine se relaient sans interruption sur le minuscule parking aménagé par le vieux gardien à la moustache envahissante. Prenant son origine à deux pas du phare, une piste en pente raide relie le hameau à la RN11. Après une incontournable pause café, qu'une galette appétissante, cuite dans un four à l'ancienne, accompagne avec délectation ; le visiteur reprend des forces avant d'attaquer la dernière pente qui mène à la route nationale. Une visite au phare s'impose à tous visiteur. De si haut, on peut contempler l'immensité de la mer et surtout le sublime panorama qu'offre en contrebas la plage de Chaïbia. Par tous les temps, la vue est absolument imprenable. Lorsque le temps est clair, on peut parcourir du regard le trajet parcouru depuis l'embouchure du Cheliff. Après tant d'efforts et de sensations fortes, il est impossible de ne pas se laisser aller à la contemplation. Si vous avez pris le soin de venir en voiture, à défaut de prendre un bus reliant les localités du Dahra, vous aurez certainement fait le choix de laisser le véhicule non loin du pont qui enjambe majestueusement la plus longue rivière d'Algérie, vous pouvez rejoindre le parking en autocar, contre seulement 10 DA. Mais si vous avez encore des forces et du temps, laissez-vous glisser sur la pente douce de la RN11, jusqu'à votre point de départ. Sur le chemin du retour, vous ferez provision des fameuses figues fraîches de Chaïbia. Que des enfants très attachants vous proposent contre quelques pièces.