L'opposition libanaise tirait hier quelques conclusions de son action de la veille qui a vu la mobilisation de milliers de Libanais réclamer la vérité sur l'assassinat, une semaine auparavant, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et aussi demander le départ de l'armée syrienne déployée au Liban depuis 1976, et toujours présente malgré les accords interlibanais de Taef qui prévoyaient son retrait. C'est aussi une journée de fortes suspicions, voire d'accusations de crime lancées contre la Syrie, même s'il n'y a pas encore d'enquête, suivies de sommets et de tête-à-tête consacrés à cette question comme si elle conditionnait l'avenir des relations internationales. En tout état de cause, la presse libanaise estimait hier que l'opposition a marqué des points contre le pouvoir du président Emile Lahoud et Damas après l'assassinat de Rafic Hariri, se félicitant de l'appel américano-français à la fin de la tutelle syrienne sur le Liban. En ce sens, le président du Parlement Nabih Berri a fixé au 28 février la date de la séance plénière de l'Assemblée consacrée, à la demande de l'opposition, au débat sur l'assassinat de Rafic Hariri sans exclure une motion de censure contre le gouvernement, a-t-on appris lundi de source officielle. Une délégation des députés de l'opposition avait auparavant obtenu de M. Berri un accord de principe sur ce débat et la suspension de la discussion de la loi électorale en commissions. Le débat pourrait permettre à l'opposition, qui occupe moins du tiers des 128 sièges de l'Assemblée, de poser la question de confiance contre le gouvernement du Premier ministre Omar Karamé, qu'elle accuse d'être responsable « au moins par omission » de l'assassinat de Hariri. M. Berri a indiqué qu'il y aura un vote de confiance si les députés présentent une motion de censure. « Si le gouvernement obtient la confiance, ils lui auront donné un nouvel élan, dans le cas contraire, à Dieu ne plaise, nous déclarerons la mort » du gouvernement, a-t-il ajouté. M. Berri a en outre annoncé que le Parlement « se constituera partie civile » dans l'affaire de l'attentat spectaculaire à l'explosif qui a coûté la vie, le 14 février, à l'ancien Premier ministre et 17 autres personnes. Toutefois, le député d'opposition libanais et chef druze Walid Joumblatt, constatant que le Liban « est tenu en otage », estime que « sa libération peut prendre des années » et s'interroge sur le soutien de la communauté internationale. « Nous avons en face de nous un pouvoir terroriste, le pouvoir libanais, appuyé par les Syriens », observe M. Joumblatt, ajoutant qu'après l'assassinat de Rafic Hariri et les manifestations antisyriennes qui ont suivi à Beyrouth, « il nous reste à conduire la lutte » pour un « Liban libre ». Mais « nous ne pouvons l'obtenir seuls » et « pour l'instant, la communauté internationale fait-elle vraiment pression sur la Syrie ? Je n'en suis pas sûr », a-t-il déclaré. Les présidents américain et français ont scellé lundi soir à Bruxelles leur réconciliation en unissant leurs efforts pour réclamer la fin de la tutelle de la Syrie sur le Liban. La Maison-Blanche a rendu publique une déclaration commune des deux présidents appelant au retrait « immédiat » de la Syrie du Liban. « Nous appelons à la mise en œuvre complète et immédiate de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies dans tous ses aspects, y compris son appel à un Liban souverain, indépendant et démocratique », ont déclaré les deux hommes. Cette résolution, parrainée en septembre par Paris et Washington, appelle au retrait des 14 000 soldats syriens du Liban, à la fin de l'ingérence de Damas et au désarmement des milices comme le Hezbollah. Libanais et certaines capitales étrangères donnent en fin de compte l'impression de parler d'une même voix, mais les raisons des uns ne sont pas celles des autres. Pourquoi en effet pour ces dernières parler de présence syrienne alors qu'elle a été tolérée comme le prouve l'accord quadripartite de 1996 (Syrie, Israël, Etats-Unis, Hezbollah) perçu à l'époque comme un encouragement pour cette présence. Il est vrai que les données ont changé et qu'entre temps et même les Israéliens, qui multiplient les actions médiatiques, le relèvent et entendent en tenir compte pour mieux exploiter la conjoncture actuelle. Que cache alors toute cette pression ?