Le ministre marocain de l'Intérieur, Al Mustapha Sahel, est attendu aujourd'hui à Alger pour une visite officielle de deux jours. Prévue de longue date dans l'agenda des gouvernements algérien et marocain, celle-ci sera consacrée essentiellement à la poursuite des discussions sur « les sujets classiques ». Le programme du séjour de M. Sahel en Algérie prévoit une visite du laboratoire algérois de la police scientifique et des entretiens avec son homologue algérien, Noureddine Yazid Zerhouni. Le ministre marocain devrait être aussi reçu par le président Bouteflika. Outre l'examen attendu du dossier de la circulation des biens et des personnes, les discussions entre les deux ministres de l'Intérieur porteront également sur la question de la protection des personnes. Au titre de ce chapitre, le volet lié à la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale devrait prendre une bonne place dans ces entretiens. Considéré depuis les attentats de Madrid comme « la pire menace terroriste pour l'Europe » (dixit le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon), le Maroc devrait, en ce sens, franchir le pas et demander l'aide de l'Algérie pour venir à bout des 100 cellules terroristes, liées à Al Qaîda, activant sur son territoire. Préparés au Maroc et commandités par un groupe de Marocains, les attentats de Madrid ont fait 190 morts. Les craintes de subir un « scénario à l'algérienne » et une mise en quarantaine par la communauté internationale, dans l'hypothèse d'une dégradation de sa sécurité intérieure, sont les éléments qui auraient, indique-t-on, décidé le gouvernement marocain à faire appel à l'expertise acquise par son voisin en matière de lutte antiterroriste. Celle-ci ayant largement montré ses preuves au plan de l'efficacité. Hormis le problème lié à l'extradition de Abderrazak Le Para, compliqué par le jeu trouble des services spéciaux étrangers, Alger a « nettoyé » le gros des maquis terroristes. Le GSPC, présenté comme coriace, est actuellement en pleine déconfiture depuis, notamment, l'élimination de Nabil Sahraoui, son chef national. Soucieuse de la stabilité du Maghreb, l'Algérie devrait, en ce sens, se montrer sensible à l'appel de son voisin. Risquant de connaître des débordements en cas d'exacerbation, la crise sécuritaire que vit le Maroc inquiète déjà les autorités algériennes qui ont crapahuté pendant dix ans pour rétablir la sécurité. Un nouveau scénario catastrophe au Maghreb n'est pas à exclure d'autant que la forte misère sociale au Maroc peut servir, à tout moment, de détonateur à la poudrière islamiste sur laquelle est assis le royaume. Et à la moindre étincelle, la situation serait ruineuse pour toute la région. Y compris sur les plans politique et économique. Situation aléatoire La précarité de la situation sécuritaire au Maroc apporte déjà son lot de retombées négatives sur le traitement des dossiers classiques bilatéraux puisque Alger et Rabat rejettent déjà l'idée de rouvrir, à moyen terme, les frontières terrestres. L'hypothèse d'une ouverture de ces frontières obligerait Rabat et Alger à disperser leurs forces dans leur lutte contre le terrorisme, car préoccupés par le Sahel, devenu un eldorado pour les terroristes. Si le discours sur la lutte antiterroriste du ministre marocain de l'Intérieur a de fortes chances d'être entendu par Alger, cela ne sera pas le cas concernant celui qu'il prévoit de tenir sur le dossier du Sahara-Occidental. Si telle était du moins son intention. Visiblement envoyé par Rabat en éclaireur pour sonder les autorités algériennes sur la proposition de « dialogue direct entre Alger et Rabat », préconisée par Paris et Madrid pour le règlement du dossier sahraoui, M. Sahel risque ainsi de rentrer bredouille au Maroc. La raison ? Se refusant à commenter la déclaration du porte-parole du gouvernement marocain, du 15 juillet dernier, dans laquelle il réitérait la disponibilité de son pays à élargir les entretiens de M. Sahel, « y compris à la question de la souveraineté du Maroc », une source proche du gouvernement a rappelé que « cette éventualité ne peut pas avoir lieu dans la mesure où le dossier du Sahara-Occidental relève des prérogatives du ministère des Affaires étrangères ». Et d'ajouter que celui-ci a clairement formulé la position de l'Algérie sur le dossier à l'occasion des récentes visites, à Alger, du ministre français des Affaires étrangères et du chef du gouvernement espagnol. Ayant prôné, à l'occasion de ce déplacement, une position à l'opposé de celle exprimée traditionnellement par l'Espagne à l'égard de la question sahraouie, M. Zapatero affronte, depuis, une forte contestation.