Pour la seconde fois, Achour Abderrahmane, le richissime commerçant, impliqué dans l'affaire du détournement de 32 milliards de dinars de la Banque d'Algérie et pour laquelle il a été condamné à 18 ans de prison ferme, a comparu, hier, devant le tribunal criminel, près la cour d'Alger, avec son beau-frère, Settouf Djamel, pour évasion fiscale, entre 2003 et 2005, de plus de 53 milliards de dinars (53 299 281 813 DA). Dès l'ouverture du procès et avant même la désignation des jurés, la pléiade d'avocats qui défend les accusés a plaidé l'annulation de la procédure en relevant plusieurs vices de forme. Maître Miloud Brahimi est revenu sur les dispositions de la convention algéro-marocaine en vertu desquelles Achour Abderrahmane a été extradé du Maroc et qui, selon lui, interdisent le rajout d'une nouvelle inculpation. « La convention de 1963 est très claire. Aucune inculpation, autre que celle pour laquelle il a été remis aux autorités algériennes, ne peut être ajoutée au dossier. La convention permet le changement d'une qualification par une autre, mais pas de rajout, comme c'est le cas pour cette affaire d'évasion fiscale de 53 milliards de dinars… », explique Me Brahimi. Me Adli abonde dans le même sens : « Il ne faut pas donner l'occasion aux pays de ne plus nous livrer les criminels », dit-il. Pour sa part, Me Khaled Bourayou récuse l'accusation d'évasion fiscale. Il affirme que les sociétés incriminées de son mandant étaient saisies et mises sous séquestre. « Le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed avait désigné un séquestre pour gérer les sociétés de Achour Abderahmane. Ce dernier se trouvait, à cette époque, en dehors du pays. Les mises en demeure transmises par les services des impôts ont été adressées toutes à ce même séquestre » lance-t-il avant de réclamer un complément d'enquête pour mieux évaluer les montants mais aussi les responsabilités. Me Mustapha Bouchachi soulève, quant à lui, une grave violation du code de procédure pénale : la non-publication de la liste des magistrats composant le tribunal criminel. « Il y a là une grave violation de l'article 258 du code de procédure pénale qui rend obligatoire la publication des noms des magistrats qui composent le tribunal criminel. La liste affichée pour toute la session ne comprend que les noms des présidents du tribunal. Nous ne connaissons pas ceux des deux assesseurs alors que nous sommes en droit de les connaître et même de les récuser dans le cas où l'un d'eux a instruit ou a siégé dans une affaire qui concerne un des accusés. Comment pouvons-nous savoir si les conseillers ont une relation ou non avec notre affaire si nous ne sommes pas au courant de leur nom à l'avance ? C'est une grave dérive que nous dénonçons tous en tant que défense et nous allons protester à qui de droit pour faire annuler la procédure de toute la session criminelle… », s'insurge-t-il. En parlant du droit à récuser un magistrat, Me Bouchachi faisait allusion à un des conseillers du tribunal criminel, qui a pris part, en tant qu'assesseur, au procès de Achour Abderrahmane avec les cadres de la BNA, durant la précédente session criminelle. Le représentant du ministère public se contente de répondre aux avocats au sujet de la convention algéro-marocaine, rappelant que la Cour suprême a déjà statué sur ce point en déboutant la défense de l'accusé. Ce qui a fait bondir Me Brahimi. « La lecture faite par la Cour suprême n'a aucune relation avec cette affaire. La convention permet la requalification, mais pas le rajout d'accusation », relève-t-il, avant que le tribunal ne se retire pour délibérer. Très tendus, les avocats se sont mis d'accord pour se retirer, si jamais le procès se tenait. Contre toute attente, les décisions du tribunal après une heure de délibération changent les données et rassurent la défense. Il décide de la désignation de deux experts qui, dans un délai de 5 mois, doivent évaluer le montant de l'évasion fiscale, les pénalités qui en découlent et contrôler les déclarations fiscales effectuées par les sociétés de Achour Abderrahmane sises à Koléa, durant la période de 2003 à 2005. Le tribunal renvoie l'affaire à la prochaine session criminelle.