La Tunisie fait encore parler d'elle. Le régime de Ben Ali cherche par tous les moyens à étouffer les espaces d'expression libre. Après l'arrestation du journaliste Taoufik Ben Brik et le harcèlement de Lotfi Hadji (correspondant d'El Jazeera) et de Zeid El Heni (membre du Syndicat des journalistes tunisiens), trois journaux d'opposition, Al Mawkif (L'Opinion), Ettariq Al Jadid (La Nouvelle voie) et Mouatinoun (Citoyens) subissent les foudres des autorités tunisiennes. Selon les responsables de ces trois publications, le ministère de l'Intérieur a ordonné aux imprimeurs de livrer la totalité des tirages à la Société tunisienne de distribution (Sotupresse). Ces journaux sont liés à cette société pour la distribution d'une partie de leurs tirages, le reste étant diffusé par les structures des partis éditeurs : Ettajdid (renouveau), le Parti démocratique progressiste et le Forum démocratique pour le travail et les libertés. Parmi ces partis de l'opposition dite démocratique, seul Ettajdid est représenté au Parlement et a droit, de ce fait, à une subvention de l'Etat pour l'édition de son organe. Pour protester « contre une nouvelle procédure restrictive de leur distribution », les trois journaux ont pris la décision de ne pas paraître cette semaine. « C'est un cri d'alarme que nous élevons contre les pressions qui ont atteint un niveau incomparable », a indiqué hier Hichem Skik, rédacteur en chef d' Ettariq Al Jadid, au cours d'une conférence de presse. Il a accusé le pouvoir de « recourir à des méthodes détournées » plutôt qu'à des saisies légales, affirmant que son journal n'avait plus reçu de subvention ces derniers mois. « Cette mesure est une violation de la liberté de la presse et vise à étouffer les journaux d'opposition pour les amener à disparaître », ont affirmé dans un communiqué les rédacteurs en chefs des trois publications concernées. La grève de parution est présentée comme « un avertissement » par les dirigeants des trois hebdomadaires, qui se sont vu refuser la distribution habituelle d'un quota de leurs tirages. Selon le rédacteur en chef d'Al Mawkif, Rachid Khechana, la nouvelle mesure est « un pas supplémentaire dans une campagne contre toute voix discordante ». « Nous roulons à perte depuis plusieurs mois, une situation insupportable pour un journal privé de subvention et de publicité publique », a ajouté Abdelatif Abid, membre de la rédaction de Mouatinoun.