Là où les officiels et les partis politiques ont échoué, l'EN de football a réussi : réunir tous les Algériens et Algériennes autour de symboles tels que l'emblème national. Au moment où le président Bouteflika appelait récemment à la création d'une école nationale d'écriture de l'histoire, les hommes de Saâdane méritent bien leur place dans l'histoire du pays. « L'EN devrait figurer sur l'emblème national, comme cela a été le cas pour le FLN lors de la guerre de Libération nationale », clamait un vieux à El Harrach. Les citoyens ont redoublé d'achat et d'exposition de l'emblème algérien dans toutes ses manifestations. Une voiture Hilux peinte en vert et blanc parcourait hier les rues d'Alger, démontrant ainsi plus que jamais l'attachement à la symbolique. Pour Mohamed Korso, historien et professeur à l'université, le décryptage pour les pouvoirs publics est simple : « Les jeunes sont frustrés par les discours et les promesses au moment où l'équipe nationale de football leur donne du concret. » Et de poursuivre : « Même les harraga, partout où ils se trouvent, défilent avec le drapeau algérien pour démontrer leur attachement au pays. » Un cadre, responsable d'un parti politique, a avoué hier, sous couvert de l'anonymat, que « la leçon est assez éloquente à travers la mobilisation de tout le peuple autour d'une entité, en l'occurrence l'EN, alors que les partis ont du mal à remplir une salle de cinéma ». C'est d'ailleurs fort remarquable, cette semaine, les élèves des trois paliers se rassemblaient comme des soldats – et avec une grande verve – pour réciter l'hymne national et voir flotter l'emblème national. « D'habitude, on peine pour la discipline alors que ces dernières semaine, c'est un moment fort pour les élèves de se mettre debout devant le drapeau », témoigne une enseignante à Chéraga. C'est un véritable détonateur qu'ont provoqué les Verts pour redorer l'image de l'Algérie. Il appartient aux autorités algériennes de rentabiliser et de capitaliser cet engouement populaire. « Il y a de l'espoir dans notre jeunesse qui s'exprime à sa manière pour défendre le pays et en être fier, mais en contrepartie c'est aux officiels d'être à l'écoute des problèmes quotidiens de ces jeunes qui n'ont pas de choix que d'aimer l'Algérie », avance le professeur Korso. Même le président Bouteflika tient à la victoire des Verts en voyant la mobilisation du peuple autour d'eux. Les intellectuels, tels que les historiens, les sociologues ou les hommes des médias, doivent apporter plus d'attention à cet intérêt actuel pour les symboles. « Pourquoi on n'introduit pas de pages sur l'équipe nationale dans les manuels scolaires ? », lâchait hier un garçon devant un étal de produits spécial Egypte-Algérie (fanions, bandeaux et le reste). « Il faut éviter de penser que c'est une manifestation sociale éphémère ou conjoncturelle. Elle est beaucoup plus ancrée et profonde dans le cœur des Algériens que ne le croient des officiels et qui voudraient bien l'exploiter à leur propre dessein », affirme M. Korso.