Le flegme et la retenue manifestés (allez savoir si c'en est vraiment !) par les autorités algériennes vis-à-vis du lynchage prémédité dont ont été victimes, samedi au Caire, des dizaines de supporters de l'équipe nationale sont tout simplement inadmissibles. Nous n'en savons encore rien, mais il est fort possible qu'en allant soutenir l'équipe nationale, des Algériens aient péri dans la capitale égyptienne, poignardés par les hommes de main du régime de Hosni Moubarak. Avec du recul et avec toute la pondération exigée en pareil cas, il est également inacceptable que l'Etat – qui est supposé protéger ses citoyens – n'ait pas manifesté la moindre petite réaction après que le bus de l'équipe nationale eut été saccagé par les Egyptiens et que des joueurs eurent été blessés à coups de jets de pierres. Cela à plus forte raison que c'est l'équipe nationale, symbole de notre souveraineté nationale, qui a été visée. Sous d'autres cieux, pour moins que cela, des gouvernements ont rappelé leurs ambassadeurs et rompu leurs relations diplomatiques avec des nations hostiles. Car, dans le fond, que peut-il rester de fraternité, d'amitié et de courtoisie lorsqu'un gouvernement paye des voyous pour s'attaquer à une équipe nationale de football et passe à tabac des supporters sans défense ? Quelle valeur peuvent bien avoir ces mots lorsqu'un chef d'Etat, Hosni Moubarak en l'occurrence, demande la veille du match aux joueurs de son équipe nationale de « gagner la rencontre contre l'EN d'Algérie quel qu'en soit le prix » ? Face à de tels comportements lâches, indignes et barbares des autorités égyptiennes, le minimum aurait été que la présidence de la République rende public un communiqué véhément pour dénoncer le traquenard dans lequel sont tombés les Algériens et convoquer pour gronder vertement l'ambassadeur d'Egypte à Alger. Il aurait aussi fallu, pourquoi pas, demander carrément l'annulation du match. Surtout que la FIFA, malgré ses promesses, a fini par fermer les yeux sur les dépassements égyptiens. Cela ne se discute pas : la vie de nos concitoyens et la dignité des Algériens ont bien plus de valeur qu'une partie de football. Au lieu de cela, c'est le silence radio. Pis encore, nos ministres et nos diplomates en poste au Caire passent leur temps à minimiser la gravité des faits et à afficher des sourires de banane dans les chaînes de télévision égyptienne. Inutile d'en dire plus : dans cette affaire, il semble que le choix a été fait de passer la dignité et la fierté nationales au second plan. Comble de l'affront et de l'humiliation, c'est l'agresseur qui se met dans la peau de l'agressé. Contre toute attente – et au moment où des familles entières attendent à l'aéroport d'Alger le ventre noué d'inquiétude le retour du Caire de leurs enfants dont ils sont restés sans nouvelles depuis des jours –, c'est le ministre égyptien des Affaires étrangères qui a annoncé hier avoir convoqué l'ambassadeur d'Algérie au Caire pour demander aux autorités algériennes d'assurer la sécurité des ressortissants égyptiens sur son sol. Et puis quoi encore !? Il ne manquerait plus que le Caire demande aux Algériens de réprimer les supporters qui défilent à travers le pays depuis des jours. Malheureusement, tel que nous le connaissons, notre pouvoir serait capable de s'exécuter. Non messieurs, l'Algérie mérite beaucoup mieux !