Vraisemblance et véracité : l'imbroglio du polar». Thème d'un débat organisé, mercredi soir, au pavillon central du Palais des expositions des Pins maritimes, à la faveur du 18e Salon international du livre d'Alger (SILA). Débat animé par Adlène Meddi, journaliste et auteur algérien, et Barouk Salamé, romancier français. «Pendant longtemps, le polar a été considéré comme un genre littéraire mineur. Les principales critiques qui lui étaient faites étaient liées au niveau du langage et à l'intérêt pour les marginaux», a souligné Malika Abdelaziz, qui a modéré le débat. En dépit de la méfiance des critiques, le roman noir est devenu populaire ces quarante dernières années. «Le polar a évolué dans la manière de s'écrire et de se dire, s'intéresse aux aspects de la vie actuelle comme le pouvoir, la drogue, les services secrets… Le polar nous invite à questionner tout ce qui nous conditionne. Mais le polar relève désormais de la littérature aliénante, qui participe à une lecture policière et manipulée du monde. On fait passer des faits imaginaires pour des faits réels», a-t-elle analysé. Adlène Meddi a rappelé ses lectures de jeunesse et a notamment parlé de l'univers de Gérard de Villiers, le célèbre auteur français de SAS, disparu au début de ce mois à 83 ans. Il a publié 200 romans dans la série SAS. Véritable phénomène littéraire ! «C'est la fin d'une époque avec Gérard de Villiers. Le polar était de la pure littérature industrielle, la littérature de divertissement. On ne cherchait pas à s'intéresser aux grands thèmes. Il est vrai que de Villiers a fait l'éducation sexuelle de beaucoup d'adolescents». «Dans ses mémoires, l'auteur de SAS a expliqué comme il a crée ‘‘le porno chic' ‘!», a relevé Barouk Salamé. Il a remarqué que les romans de Gérard de Villiers, journaliste à l'origine, étaient inspirés par des faits d'actualité. «C'est là justement l'intérêt du polar, peut-être plus que la littérature générale», a-t-il appuyé. «Depuis le lycée, j'étais toujours tenté par le monde du polar, les romans d'espionnage. Le métier de journaliste ne m'a pas donné de temps pour me consacrer à cela», a confié Adlène Meddi qui est revenu sur les conditions d'écriture de son premier polar, Le casse tête turc, publié chez Barzakh en 2002. Selon lui, le polar algérien n'est pas assez développé, presque inexistant. «Est-ce la faute aux éditeurs ? Aux auteurs ? Aux libraires ? Au marché du livre ?», s'est-il demandé. L'histoire de La prière du Maure, deuxième roman de Adlène Meddi, se déroule dans l'Algérie des années 2000, la sortie des ténèbres des années des violences, des mensonges et des machinations. Adlène Meddi, qui s'intéresse aux questions géopolitiques et sécuritaires, prépare un troisième roman qui puise sa sève dans les événements des années 1990. «Je viens de la littérature classique. Ce que je trouve intéressant dans le polar, c'est qu'on est dans la littérature populaire. Nous avons un accès direct au grand public. Je veux explorer l'imaginaire arabo-occidental. Un imaginaire qui s'est beaucoup croisé au cours de l'histoire. Il y a la vérité de l'imaginaire qui n'est pas celle de l'histoire. Le roman policier se prête à cela. Depuis Umberto Eco, il est possible de faire des polars métaphysiques, explorer des choses complexes», a souligné Barouk Salamé. Dans Le testament syriaque, son premier polar paru en 2009, le romancier français est remonté aux origines de l'Islam. Dans son dernier roman, Une guerre de génies, de héros et de lâches, il est revenu sur l'assassinat de Abane Ramdane durant la guerre de Libération nationale. «Le polar permet de faire des expériences de pensée. On se sert de la fiction comme un instrument pour faire des hypothèses pour approcher la vérité, explorer la réalité. Aussi, le roman policier est-il un outil extraordinaire. La littérature générale est en train de venir vers le polar», a noté Barouk Salamé. Adlène Meddi a relevé, pour sa part, qu'il existe des différences entre l'univers du journalisme et celui de l'écriture romanesque. «Mais je me sers de mon métier. Cela me permet d'accéder à plusieurs niveaux de langage. Je vérifie beaucoup de choses avant d'entamer l'écriture d'un roman. J'ai visité des prisons, parlé à des policiers, à des anciens terroristes… J'utilise cela comme matière première, mais également pour crédibiliser l'histoire racontée dans le roman. Il y a un côté créateur, puisqu'on imagine des situations et invente des personnages», a relevé Adlène Meddi.