Première exposition photographique en ces lieux, après une longue absence, travail en noir et blanc d'un photographe dont tous connaissent la silhouette discrète et affable. Travail sensible de ce Annabi dont les images circulent depuis vingt ans dans tout le pays et ailleurs, mais cette fois avec le « Ksar de Pouillon » pour unique objet. Promenade pour les uns, découverte renouvelée d'un architecte qui aima passionnément l'Algérie pour les autres, la montée à Séraïdi relève du mythe, même si les gens s'y rendent avec la plus grande familiarité, comme il en est de ces lieux d'enfance dont le souvenir ne s'éteint pas avec les années. On y accède, ayant traversé une forêt de chênes, pour contempler la mer, et de cette position haute on circule parmi les niveaux de ce petit ensemble architectural qui offre, quoiqu'à échelle réduite, toutes sortes de possibilités urbaines. Conduit par une amie architecte, El Hadi y restera une saison entière, retournant inlassablement en une espèce de pèlerinage, pris au vertige des changements vibratoires de la lumière métamorphosant le lieu. Ainsi El Hadi inscrit-il en blanc sur blanc la mélodie douce et forte de ce lieu « chaulé » dont l'enduit résiste et résiste encore aux injures du temps. Fines craquelures ombrées que l'œil du photographe détecte, minuscules « oculi » ou « finestrini » comme autant d'appoggiatures du regard, ainsi glissant imperceptiblement sur d'immenses plages de silence à peine « musicalisées », le passant emprunte de l'œil et du pied courtines et escaliers, niches, rambardes et murets pour des replis ombreux, toutes petites marches en route vers le ciel. Arrivent, enfin, les noirs qui sont autant d'ombres concurrençant le ciel lui-même soudainement devenu tragique, ou bien encore nocturne, océanique sous ses croisées d'ogives. Passent des nuages dans le ciel fixe et lisse. El Hadi, depuis toujours, revendique la prééminence du blanc, de la lumière dans son travail. Mais il sait que ce blanc qui lui vient n'est rien sans les croches, barres ou griffures, lourds aplats « claustras » massifs qu'applique l'ombre, soleil et mort dont nous parle Camus. Ainsi son « Ksar » chante en sourdine une puissante mélodie qui, doucement, se fait steamer. On entre en partance, il y a comme une ode portuaire dans ce travail glissé par lequel on s'évade et s'éloigne, s'arrêtant l'espace d'un instant à une rampe, pour soudain revenir, car il y a également de l'hypnotique dans cette contemplation exigeante qui convoque la métrique de Pouillon, son matériel et son vocabulaire architectural, lequel devait un jour le pousser à inventer l'hôtel Gourara dans la palmeraie de Timimoun, identification impressionnante à une architecture indigène, comme éternelle et rougeoyante dans le désert. Fabrice Morio, en homme passionné de scène, a parlé de théâtre pour qualifier le travail de Hamdikène. J'ajouterais qu'on s'y évade sensuellement en empruntant lignes et courbures qu'épouse la lumière, et par ces noces avec le noir qui est couleur, l'homme méditerranéen rencontre le Tragique et la Grandeur, dans « l'immédiateté » du Vivre et du Mourir. (1) Expo-photos « Ksar sur les traces de Fernand Pouillon » d'El Hadi Hamdikene CCF Annaba du 15 au 30 novembre 2009.