«Enfants de Bagdad», est l'intitulé de cette expo qui tend à faire le parallèle avec notre passé et notre vécu... Cela fait trente ans que le photographe Omar D. arpente le monde avec son appareil photo à la main, a l'affût d'une image fugace extirpée du quotidien de gens pauvres et simples. Une tranche de vie furtive immortalisée sous le regard de l'artiste. Ce dernier aspire à capter avec l'objectif de son appareil, les espoirs d'un peuple qui souffre, mais supporte et résiste stoïquement. Les photos en noir et blanc de Omar D., qui ornent actuellement les cimaises du Diwan-Café, sis au Val d'Hydra, sont d'une poignante humanité qui témoignent des conditions de vie du peuple irakien. D'une rare beauté, elles sont le miroir de ce qu'endure l'Irak comme misères, problèmes sanitaires et d'hygiène, manque d'approvisionnement en médicaments. Résultat: plus d'un millier d'enfants meurent chaque jour. Partir en Irak relève de la folie, c'est risquer sa vie. Omar D. a franchi cette barrière en allant là-bas. Il voulait vérifier la véracité du contenu de certains textes rassemblés sur L'Irak: La faute de religieux, d'économistes, d'hommes politiques dont Boutros Boutros-Ghali, qui avaient dénoncé les méfaits de l'embargo en Irak. «J'ai décidé d'aller sur place pour constater de visu et en témoigner par la voie des images». Une fois là-bas, Omar se rend compte de l'état catastrophique des conditions de vie de cette population. Cependant, au lieu d'images insoutenables et d'invalides, ou celles des enfants rendus difformes par l'uranium appauvri des armes utilisées par les Américains pendant la guerre du Golfe, il en saisira d'autres, symboles de courage et de ténacité des Irakiens. Ses photos se veulent expressives sincères et allusives et profondément éloquentes au-delà de leur aspect esthétique de très bonne facture. C'est le message que véhiculent ses photos qui importe à notre photographe. «Mon message est un clin d'oeil à ce qui se passe en Algérie, de dire que, nous aussi nous sommes presque sous embargo, regardez ce qui se passe et essayez de réagir par n'importe quel moyen pour qu'il y ait une ouverture vers d'autres pays...» Gorgées d'espoir, les images de Omar nous interpellent d'autant plus qu'elles semblent nous raconter à travers les yeux des enfants de Bagdad, notamment. Un prisme qui en dit long sur notre situation commune, celle de ces deux pays arabes: l'Irak et l'Algérie. Chaque image réalisée avec précision, cadrée avec l'objectif de remplir utilement la surface sensible, est, en soi, un travail de narration «d'un instant particulier dans un pays singulier». Le photographe efface tout effet technique possible pour atteindre l'émotion que peut dégager un visage dans son âge, sa condition et sa dignité ne cherchant pas à travestir la réalité encore moins à l'habiller, elle est là palpable, plaquée dans toute sa nudité, nous rappelant paradoxalement certains moments cruels qu'ont connus les enfants de Bentalha et les autres. Saisissantes, bouleversantes, elles sont davantage évocatrices et pleines de ces «images» inhérentes à notre passé, toujours récent, mais aussi à notre misérable vécu, et nous renvoient sans cesse à ces scènes d'écoliers sevrés d'écoles parce que détruite ou brûlée, d'hommes et de femmes malades ou blessés dans leur âme et dans leur chair... D'une dimension incroyablement symbolique, les photos de Omar D. suggèrent plus qu'elles donnent à voir. Elles sont le témoignage d'un peuple toujours debout. Ainsi, des quartiers délabrés, deux salles d'hôpital suggèrent les graves pénuries du matériel sanitaire. Au milieu de cette misère, des gosses jouent et rient comme ceux du monde entier. Aussi le photographe a eu à réaliser de nombreux portraits d'hommes et de femmes voilées. Des êtres au regard hagard triste, méditatif, anxieux, songeur, douloureux durant lequel on ne peut être que pensif. Le visiteur, lui, les fixera longuement avec intérêt et interrogation. Ayant à son actif plusieurs expositions ici et ailleurs, le photographe est également membre de l'association Amel-enfants malades qui a besoin de la générosité de tous pour construire un centre de cancérologie pour enfants. Omar a, récemment, exposé ses oeuvres à Annaba qu'il a accompagnées, comme au Diwan-Café, d'un superbe album reproduisant l'ensemble de ses photographies. Il a réalisé, en outre, deux autres ouvrages qui paraîtront incessamment. L'un, intitulé Algérie de tous les silences et l'autre Les gens de Berbérie qui sortiront à la fin de l'année. «Le livre est prêt, mais on cherche des subventions». Notons que l'argent récolté à travers la vente des livres sera versé au profit de l'association Amel-enfants malades. Il convient de signaler: que l'expo de Omar D. devait avoir lieu au départ, à la Bibliothèque nationale, qui a exigé du photographe 50.000 DA par jour. Notre photographe a refusé bien sûr. Que la culture se monnaye, soit, mais pas dans un lieu sacré censé promouvoir l'art et défendre la création. Cela nous laisse pantois surtout venant d'une telle bibliothèque c'est tout à fait scandaleux! Enfin, sachez que l'exposition de Omar qui se tient au Diwan-Café durera jusqu'au 27 juin.