Je ne pensais pas être rattrapée en Algérie par cet oxymore qui fait un tabac en Occident, le «féminisme islamique». Ce mouvement occidental né à Barcelone a peu d'intérêt et de place chez nous où les islamistes avancent à visage dévoilé. Dans nos pays on ne parle pas de «féminisme islamique» et surtout pas les femmes musulmanes féministes. Mais quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu'à la lie. C'est par une tautologie désinvolte que les féministes islamiques balayent de la main des siècles de luttes : on est libres parce qu'on est libres d'être libres. Résultats : on fait ce que l'on veut pour peu que l'on dise qu'on le fait librement. Ainsi s'aliéner volontairement est un geste qui «produit» de la liberté. Si j'accepte volontairement d'être la deuxième épouse d'un homme polygame, mon «choix» ferait-il de la polygamie une pratique de liberté ? Si je choisis de me voiler, le voile devient-il pour autant un symbole de liberté. Je ne suis pas contre la pratique du voile, chacune est libre de faire ce qu'elle veut, mais contre les discours qui font du voile un parangon de liberté pour les femmes «musulmanes». C'est ce que nous dit le «féminisme islamique». Ce qui frappe dans cet article, c'est qu'il ignore la dimension politique de cette position. Les visées de ses adeptes, avec en figure de proue Tarik Ramadan, dépassent les préoccupations de libération des femmes. Ils veulent convaincre des vertus de leur religion et pour cela propager l'idée que les lois coraniques sont le chemin de la liberté et de l'égalité. S'il en était ainsi, nous le saurions, nous qui luttons depuis des décennies pour cela. Nous avons opté de guerre lasse pour la séparation les lois civiles et des lois religieuses. On ne peut pas réformer, alors séparons ! L'objectif politique principal de l'offensive dite «féminisme islamique» est de délégitimer nos luttes, de délégitimer le féminisme qui se décline sans adjectif, et surtout pas islamique. C'est aussi absurde que de dire les droits de l'homme islamiques ! N'importons pas ces faux débats. Les Frères musulmans égyptiens et tunisiens, les salafistes de toutes les latitudes ont répondu à ces positions scabreuses. Leurs visées mettent en péril les droits des femmes quand ils existent comme en Tunisie et s'opposent radicalement à la conquête des droits là où ils ne sont pas reconnus, c'est-à-dire le reste du monde arabe. Ils ont levé les doutes que nous pouvions avoir sur le bien-fondé de la voix islamique pour les femmes. Une voix sans issue si on s'y engage. Signé, une féministe un-point-c'est-tout.