Brillamment présentée par l'une de plus belles voix féminines andalouses, Fazilet Diff a soutenu qu'actuellement il existe un véritable retour aux voix féminines. Contrairement aux voix masculines qui tendent à disparaître. En effet, après une époque de belles voix ayant appartenu à Mahieddine Bachtarzi, Dahmane Benachour et Sid Ahmed Serri, il manque actuellement dans la nouvelle génération le ou les futurs maîtres qui marqueront leur temps. C'est du moins ce qu'a avancé la conférencière. Maâlema Yamna Bent El Hadj El Mehdi (1859-1933) est la première femme à avoir ouvert la voie de la chanson féminine. C'est la première femme à avoir maîtrisé le titre de Mâalama et à constituer un orchestre féminin, se produisant devant un public masculin. Elle a été, pour ainsi dire, le fer de lance pour les autres artistes qui arriveront par la suite, dont entre autres Chekha Tetma, Meriem Fekhai et Fadhéla Dziria. Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, les femmes sont plus nombreuses à intervenir dans tous les genres musicaux. Cependant, elles arrivent plus nombreuses dans le classique. Le nombre d'associations musicales andalouses augmente aussi. Bien que la liste des chanteuses arabo-andalouses algériennes soit large, Fazilet Diff a axé son étude sur trois femmes solistes. Elles ont toutes eu un parcours dans lequel on retrouve des simulitudes. Elles ont transité respectivement par le Conservatoire d'Alger et par deux prestigieuses associations, El Sendoussia et El Fakhardjia… En outre, elles ont été encadrées par des professeurs de référence, à l'image de Bachir Mazouni et Nourreddine Saoudi. Fazilet Diff commencera par l'artiste Beihdja Rahal. Cette dernière s'est spécialisée dans la nouba. La conférencière affirme : «Behidja Rahal reste à la quête de poésie et de mélodies rares. Elle assure elle-même la direction de son orchestre. Beihdja n'apprécie pas les petites variations. Elle est sollicitée régulièrement par les maîtres. Il y a beaucoup de technicité dans sa façon de faire. Elle ne modifie jamais le caractère du rythme. Elle s'est lancée dans l'enregistrement de 22 noubas. Elle reste inégalée dans sa génération. Elle a fait des enregistrements que certains n'ont pas réalisés.» Deuxième exemple cité, la chanteuse Dalila Mekkader. Exilée aux Etats-Unis durant une vingtaine d'années et aux Emirats arabes unis depuis 8 ans, elle aussi a fait le Conservatoire d'Alger et rejoint les deux associations musicales andalouses, Essendoussia et El Fakhardjia. Elle pratique autant la nouba que le âroubi et le hawzi. Elle a réalisé trois albums. Fazilet Diff indique que l'une des particularités de Dalila, «c'est qu'elle a une voix puissante avec des capacités pour des variations différentes. Elle chante excellemment bien à l'ancienne. Elle n'est influencée par aucun courant musical nouveau», argue-t-elle. Lamia Maâdini est une autre belle voix féminine qui se consacre à la nouba classique. Elle a étudié au Conservatoire d'Alger et a regagné Essendousia et El Fakhardjia. Fazilet Diff soutient que Lamia Mâadini a toujours suivi les recommandations de son professeur Nourreddine Saoudi. Elle excelle dans les instikhbar, et ce, grâce à sa capacité de variations vocales. Elle a enregistré une dizaine de CD. Il est à noter qu'il existe d'autres performantes voix féminines telles que Nassima Chabane, Imène Sahir, Lila Borsali, Leila Benmarah et Meriem Benallal. Nous assistons également à l'avènement d'ensembles de musique andalouse exclusivement féminins. De nombreuses associations arrivent d'ailleurs à programmer des ensembles féminins, à l'image de l'association Ahbab Cheikh Es Sadeq El Béjaoui, l'association El Fen Oual Nachat de Mostaghanem, et l'association El Inchirah de Constantine. D'autres tentatives d'ensembles féminins ont vu le jour à travers les associations musicales andalouses d'Alger El Inchirah d'Alger, et l'association La Corboda. En guise de conclusion, l'intervenante Fazilet Diff a estimé que ces trois artistes viennent enrichir le panorama musical andalou d'Alger avec leur différence dans l'interprétation d'un même répertoire. «Elles s'inscrivent dans la pérennité de la tradition musicale algéroise. Il y a une féminisation de l'élite musicale», explique-t-elle.