C'est la grande polémique de la semaine. Le chef de mission de la revue annuelle du FMI en Algérie Erik de Vrijer a invité le gouvernement algérien à la pondération dans sa politique salariale « afin de préserver la compétitivité des entreprises algériennes face à la concurrence extérieure ». Grave ingérence ont hurlé les syndicats à l'unisson, « mais de quoi se mêle-t-il donc ce chevelu aux lunettes cerclées ? ». Les propos se sont emballés et l'on a pu lire dans la presse que l'un des arguments du fonctionnaire du FMI était de préserver l'attractivité des investissements étrangers en Algérie en préservant des « coûts salariaux compétitifs ». L'a-t-il vraiment dit ainsi ? Tous les comptes rendus de presse ne font pas foi. La science économique n'étant pas une science exacte, les coûts salariaux bas ne sont pas un avantage concurrentiel toujours déterminant dans l'attrait des capitaux étrangers. Si tel était le cas, l'Algérie qui a des salaires une fois et demie plus bas que ceux de la Tunisie ne recevrait pas 3 fois moins d'investissements directs étrangers que ce pays, et cela depuis quatre ou cinq ans. Beaucoup d'autres paramètres décident de l'investissement étranger dans le monde. Les 50 pays les plus pauvres de la planète sont ceux où les salaires sont les plus bas. Ce sont ceux aussi où les étrangers investissent le moins. Il y a bien sûr un seuil critique de taille de marché qu'il faut atteindre pour espérer devenir attractif. Autrement dit, il faut de la demande intérieure pour espérer devenir attractif. Et donc des revenus domestiques pour amorcer la pompe. Ce qui est déjà un peu l'inverse de ce qui serait recommandé par le chevalier preux du FMI de passage à Alger. Mais ne lui faisons pas de procès d'intention. Peut-être n'a-t-il jamais lié la recommandation de la prudence salariale à la nécessité d'attirer des investisseurs étrangers en Algérie. Dans ce cas, les syndicats auraient peu-être eu tort de ne pas s'intéresser d'un peu plus près à ce qu'il a vraiment déclaré et sur lequel cette fois il y a un « faisceau concordant » de compte rendu de presse. M. Erik de Vrijer propose de lier les augmentations de salaires à la croissance hors hydrocarbures. A bien y regarder et sans se départir de la critique de l'ingérence, les syndicats ont matière à rebondir sur un tel propos. Des augmentations de salaires indexés sur la croissance hors hydrocarbures, déjà 4% d'augmentation par an en moyenne pour 2004 et 2005. Mais c'est surtout la promesse d'une augmentation régulière sans doute supérieure à 5% tous les ans pendant les cinq années qui viennent. Le gros de la croissance par les prix étant réalisé déjà dans les hydrocarbures, ce secteur ne peut plus générer qu'une petite croissance par les volumes dans les années qui viennent (plus de pétrole et surtout de gaz vendus). La locomotive de la croissance va se déplacer vers l'hors- hydrocarbures où les dépenses budgétaires colossales vont assurer une forte activité dans le bâtiment, les travaux publics, l'agriculture... Un rythme de hausse des salaires alignés sur la croissance hors hydrocarbures, voilà une recommandation du FMI peut-être pas si hostile aux travailleurs qu'elle n'y paraît à première vue. Encore faut-il bien calculer la croissance hors hydrocarbures et savoir négocier le préjudice de l'inflation toujours modérée mais en constant redressement depuis deux ans. Pour un salaire de base de 20 000 DA, le FMI vient de proposer une augmentation de 1000 DA compte tenu de l'offre De Vrijer. Pas si mauvais pour entamer une négociation sociale.