Le terme schwazwald, de phonétique germanique, désigne la grande Forêt Noire en Bavière (Allemagne), limitrophe du pays multiculturelle, la Suisse. Fierté des Suisses alémaniques, ce nom a été emprunté par les pâtissiers de la région pour désigner l'entremets le plus délicieux et le plus apprécié, tant par les touristes que par les autochtones », indique Yacine Sayeh, un natif de Batna qui a trimé pendant douze ans à travers l'Europe occidentale, notamment en Suisse, dans le canton de Zurich. « Le schwarzwald est un biscuit à base de génoise au cacao, tartiné de crème montée, saupoudré de coupeaux de cerises, le tout arrosé de kirsch (alcool de cerises) », explique l'émigré de Zurich qui nous fait goûter du schwarzwald sans kirsch. Schwarzwald à l'auressienne, c'est-à-dire sans kirsch, est une « pâtisserie suisse réputée et servie dans les palaces haut standing en Europe », indique Yacine, ce jeune qui a troqué, en 1986, sa blouse blanche de paramédical contre celle de chef pâtissier, domaine où il acquit du savoir-faire en fréquentant les grands chefs de la gastronomie et de la pâtisserie. Avec le marasme du début de la décennie 1980, âgé alors de 20 ans, Yacine prendra le chemin de l'aventure vers le mythique eldorado européen qui obnubile, à ce jour, nos jeunes Harragas. Blasé par les turpitudes de l'exil volontaire, Yacine revient au bled en 2005 et finit par adhérer au dispositif CNAC, (aide de l'Etat à la création de petites entreprises). Il louera un local tout près des allées Benboulaid et s'y installera avec ses frères et sœurs dans un petit magasin où, dans l'arrière-boutique, ses sœurs confectionnent, avec les équipements acquis, des entremets pâtissiers panachés, doux et provocateurs pour le palais. Le rêve de l'enfant de la famille Sayeh est d'installer à Batna une « viennoiserie », une sorte de carrefour intime pour la gente intellectuelle avide de lecture de la presse quotidienne qui y sirotera un thé accompagné de schwarzwald cotillon (entremets du IVe siècle en vieille Gaule française), lingots (biscuit aux amandes) et de bavaroise au chocolat, pour ne citer que ces quelques curiosités de la pâtisserie helvétique. Ces métiers auxiliaires, incontournables pour le développement du tourisme dans notre pays, une destination internationale, s'apprennent onéreusement dans des écoles privées outre-mer. « Je suis un acquis gracieux de l'émigration positive », lâche fièrement le pâtissier à l'européenne. Le visiteur de Batna découvrira également la prolifération de pâtisseries orientales, à titre d'exemple tunisiennes et syriennes. Et comme dit l'adage, les goûts et les couleurs ne se discutent pas ; la pâtisserie « Europa » des Sayeh est fréquentée par toutes les couches sociales, en dépit des prix exorbitants des gâteaux, justifiés par la cherté des ingrédients de premier choix, importés, selon le désormais père de la schwarzwald à l'auressienne.