– Les RAR accumulés sur différents impôts et taxes proviennent-ils de cas de fraude et d'évasion fiscales ? A ce stade, il ne s'agit pas de fraude ou d'évasion, car les restes à recouvrer (RAR) sont des opérations déjà constatées au niveau de la comptabilité des receveurs. Ils sont le fruit d'une opération de régularisation (opération de gestion fiscale), de redressement (contrôle fiscal) ou tout simplement des dettes fiscales ordinaires, dues suite à l'activité des différents acteurs économiques. Quant aux droits et taxes éludés, ils ne sont enregistrés qu'après leur constatation par les services fiscaux suite à des opérations de contrôle. Ainsi, ils échappent à l'administration fiscale, notamment les cas relevant d'activités informelles et/ou souterraines. Il convient de préciser que les RAR ont été amplifiés, notamment durant la période d'instabilité sécuritaire, qui a fortement entravé l'activité de recouvrement et de perception des droits et taxes par les services fiscaux. Par ailleurs, le manque de moyens (humains et matériels, notamment de transport) joue un rôle considérable dans l'insuffisance de l'action de recouvrement de l'administration. Ces insuffisances sont majorées par les limites de l'outil informatique, non performant, et qui entrave l'efficacité de l'action fiscale en la matière. En effet, «les applications informatiques fiscales» assurant le processus de recouvrement, apparaissent comme obsolètes au regard de l'avancée technologique et les évolutions des TIC du monde contemporain. Et ce, pendant que les contribuables excellent en réactivité quant à l'adaptation et l'utilisation des NTIC. Ainsi, l'inadaptation des logiciels, chargés du recouvrement fiscal, contribue dans une large mesure à l'allongement de la période de perception de la dette fiscale et contraint les gestionnaires à prolonger l'échéance de perception à travers les actes de relance. En outre, il y a également lieu de souligner qu'une partie importante des RAR relevaient du secteur public, essentiellement suite à l'opération de la restructuration économique introduite durant la période des réformes structurelles des entreprises (dans le cadre du programme d'ajustement structurel). Les RAR résultent également de la démarche «d'apurement des impôts» en leur admission en état des côtes irrécouvrables pour admission en non-valeur (relative uniquement aux impôts directs après la 5e année de mise en recouvrement), et ceux admis en état de côtes non recouvrées en surséances (après 10 années de mise en recouvrement). Ce procédé nous paraît préjudiciable à la mobilisation des recettes fiscales ordinaires.
– Quelles catégories de contribuables échappent le plus à l'impôt ?
Cette question relève davantage de l'évasion et de la fraude, ainsi que de l'activité informelle que la question des RAR, car ces derniers sont déjà constatés dans les écritures comptables des services fiscaux.
– Quelles impôts et taxes enregistrent le plus de RAR ?
Généralement, les impôts directs, car les TCA (taxes sur le chiffre d'affaires) sont perçues à la source pour les contribuables soumis à la TVA, TIC et autres. Aussi, les TCA sont également perçues sur la dépense. Donc, essentiellement, les impôts directs qui génèrent le plus de RAR… Les RAR sont des droits déjà constatés par l'administration fiscale. C'est-à-dire le redressement de l'assiette est opéré par les services de gestion. Le problème réside dans la perception et le recouvrement. Pour les personnes physiques, il y a peu de RAR, car pour les salariés, c'est la retenue à la source. Pour les autres, l'action de relance est plus au moins effectuée. Certes, il y a des RAR relevant de personnes physiques (activités libérales ou entreprises individuelles et autres). Mais le gros lot, c'est celui des entreprises publiques et les entreprises en général, mais aussi et surtout des écritures comptables.
– Le problème des RAR est-il imputable à des défaillances au sein de l'administration fiscale ?
On ne peut nier que la mission et la tâche de recouvrement assurées par l'administration fiscale sont entachées par des déficiences. Outre le déficit en moyens entravant l'action des poursuites engagées pour assurer le recouvrement de la dette fiscale, les carences sont en relation avec l'inefficacité de la politique de coopération entre les différents services, à la fois fiscaux et financiers (administration douanière, commerce, services des fraudes, banques…). Le déficit de communication observé en matière de transmission de l'information financière et économique ampute toute efficacité et rationalité à l'action de l'administration fiscale. D'où l'intérêt de développer la communication via les outils technologiques, en s'agrippant à l'essor digital et numérique emprunté par les administrations financières du monde moderne. Le déficit de cohérence entre les différents services intervenant dans le processus de perception de la dette fiscale (services fiscaux, banques, organismes économiques, registre de commerce, Chambre de commerce) favorise la dispersion des efforts fournis par l'administration fiscale. Ainsi, il convient de repenser la stratégie de modernisation de l'Administration Financière sur le plan organisationnel, structurel et notamment managérial. La fixation des objectifs doit être en corrélation avec les moyens disponibles (ressources matérielles et immatérielles, humaines et managériales…) Par ailleurs, on ne cesse d'insister sur la nécessité de disposer des outils et organes statistiques, car ces derniers, jouent un rôle considérable dans l'orientation de l'action administrative et de son efficacité. Or, la fonction de traitement de l'information, son analyse et son exploitation fait tragiquement défaut, a fortiori sa centralisation sous forme de statistiques. En matière de responsabilité, il convient également de prévoir un dispositif juridique permettant de dégager la responsabilité des gestionnaires (des contributions diverses) quant aux apurements des comptes et de régularisation des dettes RAR à moyen et long terme. En effet, les receveurs hésitent à engager des écritures visant à apurer les comptes et régulariser les dettes non recouvrées, eu égard à l'engagement de leur responsabilité pécuniaire. Sur le plan doctrinal, l'acquittement de l'impôt en Algérie, se fait exclusivement en numéraires. Ainsi, les débiteurs, non solvables, ne sont pas inquiétés. C'est pourquoi, il faut envisager le mode de paiement par dation, afin de limiter les abus et les RAR notamment pour les contribuables du secteur privé. Car pour le secteur public, la modalité sera compliquée ! Ceci étant, l'effort de l'administration fiscale en matière d'amélioration de la gestion des recouvrements d'une manière générale est louable et considérable, au regard des conditions d'activité fiscale et eu égard au contexte socioéconomique et juridique de la sphère économique algérienne. En effet, l'intensification de l'action interne et externe de l'administration fiscale visant à améliorer la mission de recouvrement a permis une nette mobilisation des recettes fiscales à travers le renforcement des actions de relance des poursuites, du recouvrement (à l'amiable et forcé). En outre, l'administration a entamée une politique de diversification des actions portant sur l'assainissement des comptes de consignations, la régularisation de la situation du secteur public et autres actions orientés à la fois vers les contribuables du secteur privé que public, notamment les entreprises publiques.