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Le Système Comptable Financier : Contraignant, inutile et préjudiciable

Ce qui lui donne la possibilité de faire valoir ses droits et de ne pas faillir à ses obligations. Et c'est à l'aide de la comptabilité que ces situations sont établies et que le même langage est tenu entre les propriétaires de la société, ses dirigeants, l'administration fiscale, la justice, etc. Pour cela, une conception harmonieuse de la comptabilité s'impose pour que tout ce public ait le même langage au sein de chaque pays en fixant ses propres règles comptables.
De 1976 à 2009, c'est le Plan comptable national qui répondait à ces exigences et à partir de 2010, il a été remplacé par le Système comptable financier (SCF). Lorsque le Plan comptable national était en vigueur (jusqu'en 2009), les comptables pouvaient accomplir leurs travaux sur la base des pièces justificatives des opérations de l'Entreprise. Mais, en application du SCF, les responsables des entreprises se trouvent obligés de s'impliquer dans les travaux comptables pour estimer les justes valeurs ou les valeurs recouvrables, ou les valeurs de réalisation des éléments déjà comptabilisés ou à comptabiliser et pour présenter toutes les informations relatives aux engagements pris pour pouvoir constituer des provisions, eu égard aux nouvelles règles d'évaluations introduites par le SCF. Il est également de leur ressort d'opter pour des méthodes comptables comme par exemple l'application de l'inventaire permanent ou l'inventaire intermittent. (Art. 37 de la loi 07-11 du 25/11/2007 portant SCF et arrêté du 26/07/2008 du ministre des Finances).
La nécessaire implication des responsables d'Entreprise découle du fait que les comptables ne sont pas spécialistes des équipements de production de l'entité et ne sont pas en mesure de fixer leur durée d'utilité, ni éventuellement les détailler par composants, ni déterminer leurs valeurs résiduelles, ni se prononcer sur la mortalité des employés. Mais, après 4 années d'application de la comptabilité SCF au cours desquelles sont constamment évoquées les difficultés rencontrées pour se conformer à ces nouvelles règles comptables, je trouve qu'elle est contraignante, inutile et préjudiciable.
1- Comptabilité contraignante
Les règles du SCF sont édictées dans l'arrêté du 26/07/2008 de M. le ministre des Finances. Elles stipulent que certains éléments à inscrire en comptabilité sont à évaluer à la juste valeur, à la valeur de réalisation ou à la valeur actualisée et leur application entraîne un travail fastidieux à accomplir, qui peut être illustré en présentant uniquement les tâches inhérentes aux ventes, aux immobilisations et aux provisions pour pensions et obligations similaires et en montrant que l'application des règles du SCF nécessitent l'implication non seulement du comptable, mais aussi des dirigeants d'entreprises et même de personnes spécialistes dans divers domaines.
a – Les ventes : conformément à l'arrêté d'application du SCF du 26/07/2008, sous-section 111-3 qui stipule que les produits provenant de ventes ou de prestations de services et autres activités ordinaires sont évalués à la juste valeur de la contrepartie reçue ou à recevoir à la date de la transaction. C'est le cas des ventes à terme. Le chiffre d'affaires à comptabiliser n'est pas celui qui est facturé au client, mais celui qui est estimé par les dirigeants de l'Entreprise en l'actualisant en fonction du délai de paiement accordé au client. Le montant déterminé sera donc différent du montant de la facture. Ce travail d'actualisation s'effectuera pour chaque facture établie avec un délai de règlement, et par l'application de formules actuarielles autant de fois que le nombre de factures.
b- Les immobilisations : lorsqu'une immobilisation corporelle est composée de parties ayant des durées d'utilité différentes, les différents composants de l'immobilisation doivent être inscrits séparément à l'actif du bilan. Ces derniers seront ensuite amortis selon leur propre durée d'utilité. Par exemple, si une Entreprise achète une machine pour 1 000 000 DA et qui se compose de 5 pièces détachées à durées d'utilité différentes, le montant à comptabiliser n'est pas le montant global de 1 000 000 DA, mais celui de chaque pièce détachée. Cette règle s'applique également pour les amortissements et nous aurons dans ce cas 5 opérations d'amortissement à comptabiliser chaque année pour cette machine, alors que sous l'ancien système comptable un seul enregistrement suffisait.
Généralement, la durée d'utilité est fixée suivant l'expérience de l'Entreprise utilisant des biens identiques. Elle est déterminée à partir de différents facteurs tels que l'usage attendu de l'immobilisation, son usure physique et son obsolescence technique. Ces facteurs ne sont pas à déterminer par le comptable, mais par les spécialistes en la matière qui sont également compétents à effectuer régulièrement des tests de dépréciation des immobilisations corporelles pour procéder aux ajustements comptables prévus par le SCF. Ils auront aussi pour tâche de présenter la désignation et le montant de chaque pièce détachée au lieu du montant global du bien. Après leur comptabilisation initiale, leur montant est réévalué chaque année. Cette réévaluation s'obtient par la juste valeur à la date de réévaluation diminuée du cumul des amortissements ultérieurs et des cumuls de pertes de valeur ultérieures. Sachant que le montant à amortir est le coût de l'actif diminué de son éventuelle valeur résiduelle.
Les dirigeants d'Entreprise sont donc appelés à présenter chaque année, entre autres, la juste valeur des éléments actifs et passifs. Pour les immobilisations, par exemple, ils doivent relever leur valeur du marché. Encore faut-il arriver à trouver les fournisseurs de biens identiques à ceux de l'Entreprise. Celle-ci sera également confrontée à une autre difficulté, celle du rapprochement entre l'inventaire physique et l'inventaire comptable du fait que la comptabilité fournit un tableau des immobilisations en pièces détachées tandis que sur le terrain, les biens sont assemblés.
c- Les provisions pour pensions : autre exemple de tâche qui est du ressort des dirigeants d'Entreprise, est de prévoir la date de décès de chaque employé de l'Entreprise. Cette information permet d'évaluer la provision à comptabiliser au titre des pensions et obligations similaires tel que le stipule l'arrêté d'application du SCF chapitre II – compte 153, Journal officiel n°19 de l'année 2009. Pour estimer cette provision, l'Entreprise peut par exemple utiliser comme variable le taux de mortalité en vigueur en Algérie. S'il est par exemple de 4‰ par an, et que l'Entreprise a un effectif de 1000 employés, ses dirigeants choisissent les 4 employés qui décèderont en 2015, les 4 autres en 2016, ainsi de suite. En fonction de la date probable de décès de l'employé, une provision est calculée et comptabilisée chaque année tout en actualisant sa valeur. Et si l'employé ne perd pas la vie à la date prévue, tous les travaux comptables réalisés antérieurement sont à corriger, et ce, en fonction d'une autre date de décès à prévoir.
Tous ces travaux s'imposent à l'Entreprise pour élaborer son bilan et son tableau des comptes de résultats conformément au SCF. Mais, comme les règles du SCF ne convergent pas avec les règles fiscales, quasiment tous les travaux relatifs à la juste valeur, aux provisions et à des méthodes comptables adoptées sont à remettre en cause pour élaborer les déclarations fiscales annuelles.
2-Comptabilité inutile
Après avoir réalisé tous les travaux décrits ci-dessus et auxquels s'ajoutent d'autres comme les impôts différés, on élabore le tableau des comptes de résultats qui nous permet de déterminer le résultat imposable de l'exercice. Cependant, le passage du résultat comptable au résultat fiscal consiste à extraire de la comptabilité tout ce qui ne correspond pas aux règles fiscales, à savoir les évaluations à la juste valeur, les réévaluations d'immobilisations et des amortissements, les impôts différés etc.
Par ailleurs, la comptabilité SCF ne permet pas l'application de l'article 13 du code de commerce parce que le bilan de l'Entreprise élaboré suivant les règles du SCF ne représente plus son patrimoine. Elle ne peut être admise par le juge pour faire preuve entre parties, parce qu'elle n'est pas tenue en respect de l'article 10 bis du code de commerce qui lui assigne comme objectif le suivi de l'évolution du patrimoine. Ce qui la fait tomber sous le coup de l'article 14 du code de commerce, à savoir que cette comptabilité ne peut être admise en justice.
Au moment d'établir la déclaration fiscale annuelle, la comptabilité SCF est également inutile pour les entreprises ayant au minimum 10 employés et qui réalisent moins de 30 millions de dinars de chiffre d'affaires, car elles sont taxées soit au forfait soit sur la base d'une déclaration fiscale simplifiée, laquelle n'a aucun lien avec la comptabilité SCF. Ces entreprises sont obligées de tenir une comptabilité SCF qui ne sert à rien et qui est mise aux archives et sont obligées d'effectuer un deuxième travail qui leur permet d'obtenir une comptabilité simplifiée destinée aux impôts et taxes.
3 – Comptabilité préjudiciable
Depuis l'entrée en vigueur du SCF, l'Entreprise peut appliquer à sa gestion, soit l'inventaire permanent, soit l'inventaire intermittent. La différence entre ces deux méthodes de gestion des stocks concerne la justification des sorties. En inventaire permanent, toutes les réceptions de stocks et leurs sorties doivent être comptabilisées, mais en inventaire intermittent le suivi des sorties de stocks ne s'applique pas. Celles-ci sont remplacées par une seule opération globale comptabilisée en fin d'année. Le montant déterminé risque d'englober des montants de stocks ayant été utilisés à d'autres fins que celles de l'exploitation de l'Entreprise.
En ce qui concerne le Trésor public, son préjudice peut être causé par la possibilité donnée aux entreprises de sous-évaluer leurs chiffres d'affaires lors de son estimation à la juste valeur. La sous-évaluation du chiffre d'affaires implique une sous-estimation de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) et une réduction indûment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au profit de l'Entreprise. Par exemple, lorsqu'un commerçant établit à son client une facture de 1 000 000 DA payable dans un délai de 6 mois, conformément à la sous-section 111-3 de l'arrêté d'application du SCF, ce commerçant peut estimer que la juste valeur de ce chiffre d'affaires est de 900 000 DA, et c'est ce montant qui sera comptabilisé et par conséquent déclaré aux impôts. La différence, soit 100 000 DA, sera comptabilisée au moment de l'encaissement de la facture, non pas comme chiffre d'affaires mais comme produits financiers.
Les banques aussi peuvent être victimes de la comptabilité SCF, par l'octroi de crédits sur la base de bilans comptables comportant des biens qui n'appartiennent pas à l'Entreprise, et des biens ayant été réévalués chaque année. Par ailleurs, comme la comptabilité SCF ne prend pas en considération le transfert de propriété et qui ne joue le rôle que d'instrument de mesure des performances de l'Entreprise et de sa capacité à régler ses dividendes, elle se trouve ainsi divergente par rapport aux prescriptions du code de commerce.
Ce qui ne permet plus aux entreprises de faire valoir leurs droits auprès de la justice, et ce, par application de l'article 14 qui énonce que toute comptabilité tenue sans observation des prescriptions du code de commerce ne peut être représentée ni faire foi en justice au profit de ceux qui l'ont tenue. Ces dispositions risquent même d'être appliquées en cas de détournements ou dilapidations de deniers publics et faire bénéficier ses contrevenants d'acquittements en demandant le rejet des expertises comptables accomplies à la requête des juridictions pénales, vu qu'elles se sont basées sur la comptabilité SCF.


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