Ghardaïa De notre envoyé spécial Le 17e jour de la campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril vire, une nouvelle fois, au cauchemar pour le directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal, et sa délégation, qui se sont rendus, hier, dans la wilaya de Ghardaïa. Une région qui vit, depuis quelques mois, dans un climat de vive tension dû au conflit opposant les deux communautés mozabite et arabophone. Le déplacement du représentant du président-candidat, programmé à la dernière minute, s'annonçait déjà périlleux. Il l'a effectivement été. Le terrain n'est pas acquis et Abdelmalek Sellal l'a vérifié à ses dépens dès son arrivée dans le chef-lieu de la commune de Metlili. L'accueil auquel il a eu droit était véhément. Très chaud ! Posté à l'entrée principale de cette petite ville, des dizaines de jeunes lui ont signifié d'emblée qu'il n'était pas le bienvenu. «Non au quatrième mandat !», «Non à la transmission du pouvoir par héritage !», «Les Malékites contre le 4e mandat !» et «Nous souffrirons du chômage !», scandaient les protestataires devant les journalistes, alors que le cortège des représentants du président sortant avait déjà filé vers la petite salle omnisports de Metlili, où l'attendaient plusieurs dizaines de supporters. Jusque-là, Abdelmalek Sellal et ses accompagnateurs pensaient que le plus dur était passé. Il n'en était rien ! La foule des contestataires s'est renforcée et a pris place devant l'entrée principale de la salle. Des jeunes brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire des slogans hostiles au pouvoir et dénonçant leur marginalisation : «Sommes-nous des Algériens ?», «Ya Sellal, el fakaqir ma serkoche el malayir» (Sellal, les pauvres n'ont pas volé de milliards) et «Pas de vote». Le pire s'est alors produit à la fin du meeting de Sellal. Chauffés à blanc, les jeunes protestataires s'en sont pris à nouveau à lui. «Sellal, dégage !», lançaient-ils en tentant de forcer le cordon sécuritaire qui les empêchait d'approcher le véhicule transportant Abdelmalek Sellal. Ce dernier a été évacué difficilement sous un déluge de pierres et d'autres projectiles qui fusaient de la foule. Et la délégation des journalistes chargés de couvrir cette sortie a dû se réfugier à l'intérieur de la salle omnisports pour s'abriter de cette violence. Il a fallu l'intervention de la police, qui a utilisé des bombes lacrymogènes pour disperser les protestataires qui refusaient de donner du crédit aux promesses du directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika, c'est-à-dire «régler cette crise après les élections». «Je connais la nature de la crise que couve la région. Je suis au courant des dérapages qui se sont produits. La politique de Abdelaziz Bouteflika est axée sur l'ouverture et le dialogue avec tous les citoyens. Après l'élection et l'installation du nouveau gouvernement, je reviendrai et je resterai ici jusqu'au règlement du problème», avait-il crié à l'adresse de la foule. Un discours que la population locale rejette. «Monsieur Sellal nous a promis la paix et la sécurité après l'élection. Qu'est-ce qui l'empêche de rétablir la sécurité maintenant ?», s'est insurgé Mohamedi Tounsi, un citoyen de Ghardaïa qui nous avait contacté. «Le développement économique de la région doit prendre en considération les spécificités de la wilaya. Nous n'avons pas besoin de plan venant d'en haut », ajouta-t-il. Beni Izguen demande la sanction des criminels. Entre-temps Abdelmalek Sellal s'était rendu au chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa pour animer un nouveau meeting devant des représentants de la population mozabite, venus en nombre pour réaffirmer leur identité. Après l'hymne national entonné en chœur, les jeunes scandèrent des slogans démontrant l'appartenance amazighe de leur communauté : «Imazighen !» Dans une organisation sans faille, les Mozabites ont rappelé à leur invité du jour leur souffrance des événements qui durent depuis plusieurs mois. «Nous avons vécu pendant plus de 4 mois dans un climat de peur et d'insécurité. Des gens sont morts, d'autres sont blessés et des maisons ont été brûlées. L'Etat a fourni des efforts mais il doit punir les criminels, conformément aux lois de la République», a déclaré un représentant de la communauté, avant l'intervention de Abdelmalek Sellal. Ce dernier reprenait les mêmes promesses que celles formulées à Metlili. Il s'engage, dans ce sens, à résoudre définitivement la crise. Ce faisant, il appelle à préserver « l'unité nationale». «L'Algérie est une et indivisible. La stabilité est garante de l'unité et de la souveraineté nationale», a-t-il estimé.