Hasna Yacoub Ghardaïa reste divisée. Les deux communautés, toujours en conflit, de la vallée du M'zab ont décidé de démontrer encore une fois leur divorce en accueillant de manière opposée le représentant du candidat Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal. Hier, les Chaambis ont lancé des pierres alors que les Ibadites ont fait résonner les tambours. D'ailleurs, dès l'arrivée du convoi de la campagne électorale au coeur de Metlili, la tension se sentait. Au milieu de la route, les Chaambis se sont rassemblés empêchant le cortège d'avancer. Pancartes à la main, les habitants de cette ville ont crié leur refus d'un quatrième mandat. Ils n'ont pas manqué aussi de scander, «Nous sommes les ‘'Fakakirs'' (pauvres Ndlr) mais nous n'avons pas volé les milliards», ou encore «nous voulons que les lois de la République soient appliquées sans exception». Et si, au début, les Chaambis se suffisaient d'exprimer leur ras-le-bol, ils ont vite décidé de changer de méthode et d'aller à l'affrontement à la vue des bus transportant les représentants des médias. Ces derniers ont commencé à taper avec force sur les vitres en criant «chiyatines, chiyatines». Vibrant sous les coups des citoyens révoltés, les bus ont difficilement réussi à se frayer un chemin pour atteindre la salle où devait se tenir le meeting. Mais la situation était encore plus électrique. Abdelmalek Sellal arrivera néanmoins à accéder à la salle, loin d'être comble. Et alors que les organisateurs, inquiets, n'arrêtaient de faire des va-et-vient à la porte pour s'enquérir de la situation à l'extérieur, Abdelmalek Sellal a prononcé son discours devant quelques dizaines de vieux et des écoliers. Le représentant du candidat Bouteflika ne manque pas de revenir sur le rassemblement des jeunes qui venait de barrer le chemin à son convoi. «J'ai vu des jeunes en colère, et je le comprends. Il est vrai que nous n'avons pas encore solutionné le problème de l'emploi mais nous allons le faire. Il y a encore des lacunes, je le reconnais mais nous allons prendre en charge tous les problèmes si vous renouvelez votre confiance dans le président Bouteflika.» Abdelmalek Sellal, qui s'est déplacé à Ghardaïa alors que les émeutes entre les deux communautés arabe et mozabite ont repris en début de semaine, enregistrant des morts et des blessés dans les deux camps, ne pouvait qu'évoquer cette crise. A ce propos, l'ex-Premier ministre dit : «Ayez confiance, je connais les problèmes de la région, je connais aussi les risques de dérapage. Je viens aujourd'hui vous transmettre le message personnel du candidat Bouteflika qui a toujours été l'homme de la réconciliation et qui poursuivra sa politique de concertation et de dialogue avec l'ensemble des citoyens. Le candidat s'engage, s'il est réélu, à revenir dans la région et d'y rester jusqu'à ce que le conflit qui existe soit résolu.» Sellal finira son discours à Metlili en disant : «Nous sommes tous Algériens, nous sommes tous frères et nous constituons une même nation. Il est inadmissible que les enfants d'un même pays vivent une pareille crise. N'entendez pas ceux qui veulent semer la zizanie. Ecoutez le message de votre candidat. Ecoutez seulement ce que vous dit Bouteflika qui réussira à ramener la lumière, la paix et la stabilité.» Le discours terminé, il fallait évacuer le représentant du président candidat. Mais ce n'était pas chose aisée. Les Chaambis avaient pratiquement encerclé la salle et il n'était plus possible de la quitter. Abdelmalek Sellal monte dans son véhicule qui est avancé juste devant la porte de la salle du meeting. Malgré la présence en force des gendarmes et de sa garde rapprochée, le directeur de campagne d'Abdelaziz Bouteflika quittera difficilement Metlili sous les jets de pierres. Les autres membres de la délégation ainsi que les représentants des médias seront, quant à eux, pris en otage pendant près d'une demi-heure. Le fracas des pierres sur les murs de la salle ou encore les tirs des bombes lacrymogènes causeront des crises de larmes parmi les présents. Il aura fallu attendre le dispersement des émeutiers pour que la délégation soit évacuée par une sortie de secours. La prochaine destination devait être Beni Izguen mais ce point ne sera pas rejoint sans que le convoi de la campagne électorale ne fasse une grande virée en contournant entièrement la ville de Ghardaïa avant d'y revenir. C'était sûrement le temps nécessaire permettant de sécuriser la route vers Beni Izguen. D'ailleurs en rentrant de nouveau à Ghardaïa ville, tout était très calme mais aussi très sécurisé. A Béni Izguen, les Ibadhites, eux, ont sorti le grand jeu pour accueillir Abdelmalek Sellal. Baroud, tambours, comité de notables, celui des chouyoukh, des jeunes, des moins jeunes.... A voir le monde qui a rempli à craquer Dar El Aachira Cheikh-M'hamed, on serait tenté de dire que tous les hommes de la commune étaient présents. Très organisés, les Ibadhites ont chanté l'hymne national avant de scander des slogans peu habituels pour cette région comme, à titre d'exemple, «M'zabiya chouhada» ou encore des «1, 2, 3 viva l'Algérie», «Ath M'zab, Imazighen». Le directeur de campagne du candidat Bouteflika dans la région a pris la parole pour, certes, saluer la visite d'Abdelmalek Sellal mais surtout pour demander l'intervention de l'Etat dans le conflit qui oppose sa communauté à la communauté des Chaambis. C'est presque dans une expression de chantage que la chose sera d'ailleurs exposée : «Nous avons été attaqués, nos maisons ont été brûlées, nos boutiques pillées et on a fait de nos femmes et nos enfants des veuves et des orphelins. Nous demandons à l'Etat d'assurer la sécurité, seule façon de nous permettre d'aller voter le 17 avril prochain. Si le vote est un devoir, vivre en sécurité et dans la quiétude est un droit pour tout citoyen. L'Etat a le devoir d'assurer cela.» Message reçu. C'est ce que dira Abdelmalek Sellal avec d'autres termes dans son discours devant les Ibadhites, auxquels il promet aussi qu'une solution définitive sera trouvée à la crise de la vallée des M'zab. «Nous sommes tous musulmans, arabes et amazighs. Il s'agit-là des trois constantes de l'Algérie que personne n'a le droit de toucher.» Abdelmalek Sellal a conclu : «La crise est un nuage passager. Vous êtes des amazighs, des hommes libres. Vous aimez l'Algérie qui vous le rendra.» Le convoi s'est dirigé à El Meniaa où il a été accueilli par une foule nombreuse. Il s'emploiera à expliquer les grandes lignes du programme du président candidat. Il promettra surtout aux habitants de cette daïra que leur localité sera promue wilaya lors du prochain découpage administratif. H. Y.