La sénatoriale de samedi dernier s'est terminée à Béjaïa sur une image qui résume idéalement l'essentiel du scrutin : élus et militants du FFS explosent volcaniquement de joie dans la mêlée de la salle de conférences de la wilaya au dernier bulletin dépouillé, un groupe compact d'élus du RCD arrive bruyant vers eux au chant de Djazaïr houra démocratiya (Algérie, libre et démocratique). Dans la fusion, étreintes, congratulations, chaudes poignées de main, joie commune et un slogan fuse des dizaines de gorges jubilantes : «A bas l'argent sale, à bas la chkara !» et tout le monde quitte la salle, en tonnant ensemble des «Pouvoir assassin !» mêlés d'exultation et de colère. Le RCD a partagé la joie du FFS et les deux ont fêté la défaite du FLN. Si la joie a été intensément vive, c'est parce qu'elle a été double pour ces deux partis. Pour eux, la victoire sur le FLN, qu'ils soupçonnent d'avoir versé de l'argent pour soudoyer des élus, est aussi celle acquise sur les députés qui ont porté publiquement leur soutien au candidat du FLN. Khaled Tazaghart, transfuge du FFS et démissionnaire du Front El Moustakbal, et Braham Bennadji, transfuge du RCD et député indépendant, se sont affichés publiquement avec le candidat du FLN. Le FFS et le RCD ont pris mal ce soutien public. Le FLN, qui totalise quelque 123 élus dans la wilaya, a tout fait pour gonfler ses comptes. Et il a, en effet, dépassé largement les voix des siens en s'assurant le vote de quelque 140 autres élus ayant voté pour Ouari Massinissa. Avec 264 suffrages exprimés pour son candidat, le FLN a failli talonner le FFS qui est arrivé en tête avec 293 voix d'élus pour le désormais sénateur Abdenour Derguini, vice P/Apw. Presque tout le monde a puisé dans les 154 voix des élus indépendants. Le FFS l'a fait avec une cinquantaine d'élus hors parti, et le RCD avec une trentaine de voix exprimées pour son candidat Farid Bali. Même le candidat du PST, Sadek Akrour, qui a récolté 16 voix, a profité du soutien de quelques autres élus qui ont débité son compte d'une dizaine de voix de plus. Seul le candidat du MEN, Idir Hammour, a pris le chemin inverse en ne réussissant, avec 10 voix, à s'assurer que près de la moitié des élus de son parti. Ceci dit, une partie du collège des grands électeurs détient le pouvoir de faire balancer la majorité. En plus de la vingtaine de non-votants, 58 bulletins nuls ont été comptés.