Le documentaire Vhs Kahloucha a eu un grand succès en Tunisie l Dans le court métrage Visa, Brahim L'Taïef critique les procédures migratoires européennes l Sejnane de Abdellatif Ben Ammar fut un tournant dans le septième art tunisien. Annaba De notre envoyé spécial Le fil est parfois mince entre le cinéma et le réel. Et, il est dit que la réalité dépasse parfois la fiction. Néjib Belkadhi, acteur et réalisateur tunisien, a pris sa caméra pour suivre « les aventures » de Moncef Kahloucha à Sousse. Résultat : un documentaire à succès sur un homme qui rêve d'être un héros sur mesure. Vhs Kahloucha est sorti en 2007 en Tunisie et a bien été accueilli par le public. Un extrait a été présenté, jeudi 10 décembre, au Centre culturel français (CCF) de Annaba à l'occasion du premier cycle du film tunisien. Les présents ont apprécié les « sorties » inattendues de Moncef, père de famille et peintre en bâtiment, qui se « fabrique » des films avec Nabil, son ami, qui le poursuit avec une caméra VHS. Moncef mène « la vie dure » aux bandits, sauve une fille de la noyade, se blesse pour avoir du sang pour son figurant et s'apprête à inventer « le Tarzan des arabes ». Il est le producteur, le réalisateur et l'acteur. Autour de lui, il y a de vrais personnages qui vivent dans le quartier populaire de Kazmet et qui l'aident à mettre plus de sel dans ses plats : Salah Chem ou Taïech, Khalti Mna, Khemis Hizia, Char, Chkaw Baw et Hanane Elben. Il oublient pour un temps l'ennui d'un quotidien sans couleurs. A chacun ses fantasmes ! Vhs Kahloucha a été diffusé par la chaîne franco-allemande Arte et a eu le prix du meilleur film documentaire au Festival international de Dubai. Il a été également sélectionné en compétition officielle du Festival américain du cinéma indépendant de Sundance. Néjib Belkadhi, 37 ans, a été découvert par le public tunisien grâce au rôle joué dans la série Khottab El Bab de Slaheddine Essid. Salma Baccar l'avait pris également dans la distribution de son film Habiba Msika du nom de la chanteuse juive tunisienne. Néjib Belkadhi a produit, pour la chaîne de télévision publique Tunisie 21, Dima Labess, un show satirique. Autre nom du cinéma et du théâtre tunisien actuels : Jamal Madani. Il s'est illustré dans un court métrage réalisé par Brahim L'Taïf, Visa, projeté mercredi soir. L'idée est simple : les demandeurs de visa pour la France doivent réussir une dictée. Si les candidats réalisent un zéro faute, ils auront un visa de trois mois. Aucun visa, par contre, si les candidats font six fautes. Rachid Belahassan (Jamal Madani) se met à l'œuvre, achète des livres et intime l'ordre à son épouse de ne voir que France 2 à la maison. « On doit parler, manger et parler français », dit-il. Il se fait aider par sa fille pour des cours. L'enfant ne résiste pas à la tentation de se « moquer » un peu de son père. Le jour de l'épreuve, Rachid est bloqué par un mot simple ( ?), « éclectique ». Ce court métrage, qui met à nu le côté ridicule des règlements européens en matière de visas, a, également, eu un grand succès en décrochant plusieurs prix dans des festivals. « Au cinéma, c'est sûrement mon rôle dans le court métrage Visa qui m'a fait connaître plus que tous les longs métrages que j'ai fait ou que je pourrais tourner. Et là, je reviens toujours à l'importance de l'ambiance du tournage, c'est essentiellement ce qui fait la réussite d'une création », a reconnu Jamal Madani dans une déclaration à la presse tunisienne. Jamal Madani, 46 ans, a commencé sa carrière cinématographique en 1990, dans le long métrage de Mahmoud Ben Mahmoud, Chiche Khan. Il est fort attaché à la démarche artistique de Brahim L'Taïef. Le réalisateur a sollicité ses talents pour Cineccita, un film sorti en 2008 et qui a fait du bruit. Dans Cineccita (du nom des célèbres studios du cinéma italien), Brahim L'Taïef évoque la crise actuelle du 7e art tunisien qui manque de ressources financières et d'absence de mécènes. Comme pour forcer le trait, le cinéaste a utilisé la technique du film dans le film. Brahim L'Taïef, qui gère une célèbre salle de cinéma El Hambra et qui s'occupe d'une association de courts métrages, promet de donner une suite à Visa pour continuer la dénonciation de l'immigration choisie, avec Compétences et talents, dont la sortie est prévue pour 2011. Mercredi soir, le public a redécouvert le film de Abdellatif Ben Ammar, Sejnane, sorti en 1974 et qui avait obtenu le Tanit de bronze aux Journées cinématographiques de Carthage. « On considère ce film comme un tournant dans le cinéma tunisien. Pas seulement dans la relecture qu'il opère de l'histoire officielle du pays, mais surtout par une nouvelle sensibilité à la matière filmique. Cette sensibilité provoque de l'émotion chez le spectateur », a expliqué Fayçal Charrad, professeur de cinéma à l'Institut supérieur des langues de Tunis. Sejnane retrace la vie de Kamel, chassé du lycée après des manifestations nationalistes en 1952, quatre ans avant l'indépendance de la Tunisie, et qui s'intéressera au combat libérateur après l'assassinat de son père par une organisation secrète coloniale. Il est pris en charge par des militants syndicalistes qui travaillent avec lui dans une imprimerie. Le film de Abdellatif Ben Ammar, qui à un moment donné voulait adapter à l'écran le roman de Rachid Boudjedra La Répudiation, critique d'une manière frontale « la lâcheté » de certains intellectuels tunisiens devant l'oppression coloniale française. Hier, ont été projetés les films de Raja Amari, Satin rouge, et de Jilani Sâadi, Tendresse du loup. Aujourd'hui, Nouri Bouzid sera l'invité d'honneur pour la présentation de ses deux longs métrages, L'Homme de cendres et Making Of .