«Le code de l'information de 2012 a été dicté par un contexte régional lié aux soulèvements populaires dans les pays voisins», fait remarquer d'emblée Cherif Driss, professeur à l'ESJ. Dans sa communication, il a zoomé sur l'évolution de la presse algérienne depuis 1962 et sérié les aspects nouveaux contenus dans la loi de 2012. Ce texte de loi traduit, dans le fond, une volonté du pouvoir de concéder une ouverture «contrôlée» du champ médiatique, dit Cherif Driss. Selon lui, l'interprétation élastique de certaines dispositions restrictives contenues dans le code de l'information de 2012, relatives notamment au secret de la défense nationale, économique, stratégique ou diplomatique, tend à «renfoncer la pratique de l'autocensure dans les rédactions».Les aspects liés à la mise en place des instances de contrôle et de régulation de la presse et à la distribution monopolistique de la publicité institutionnelle ont été également mis en exergue par le conférencier. «L'argent est le nerf de la guerre. Continuer à user de la publicité comme moyen de pression va à l'encontre de la liberté de la presse», explique-t-il. M. Driss s'est d'ailleurs interrogé sur l'utilité de garder la circulaire promulguée en 2004 par Ahmed Ouyahia, reconduite en 2008, faisant obligation aux institutions et entreprises publiques de recourir à l'ANEP pour leur insertion publicitaire «alors que la plupart des titres qui en tirent profit sont déficitaires et sont loin de conforter la notion de service public dans les médias». Pour Kateb Ahmed, également enseignant à l'ESJ, la loi sur l'audiovisuel n'apporte pas de réelles réponses à la série de contradictions nées de la création de chaînes de télévision offshore, pour la plupart de droit étranger. «Cette loi permet-elle d'instaurer un champ audiovisuel autonome ?» s'est-il demandé, affirmant que c'est loin d'être le cas du moment qu'elle fixe de nouvelles contraintes juridiques et cache mal une velléité de «caporalisation» du secteur. Il cite en exemple la fermeture arbitraire de la chaîne Al Atlas en pleine campagne électorale, ce qui dénote de la nature encore conflictuelle de la relation entre le pouvoir et la presse. Faisant part de sa propre expérience dans les secteurs privé et public, le directeur d'El Djoumhouria, Bouziane Benachour a, pour sa part, axé son intervention sur la nécessité de se conformer à un système de valeurs dans la pratique journalistique de tous les jours. «La liberté de la presse doit impérativement reposer sur le principe de la vertu et du respect des avis des autres, loin de toute diffamation et dans un esprit de professionnalisation», dit-il. Partisan d'un retour aux fondamentaux de l'exercice journalistique, M. Bouziane considère que la formation des journalistes constitue, aujourd'hui, une «priorité» pour les éditeurs et les pouvoirs publics afin d'éviter les nombreux dérapages et le parti pris constatés dans la profession. «Il y a urgence à veiller au respect des principes de vérité, de rigueur et d'exactitude dans l'acte journalistique.» Lors des débats, de nombreux intervenants ont estimé que la question de la liberté de la presse demeure tributaire de la volonté du pouvoir et des principaux acteurs du secteur à préserver cet acquis démocratique qui constitue, par essence, une revendication citoyenne. Invité à donner son avis sur le projet de révision constitutionnelle dans le cadre des consultations dirigées par Ahmed Ouyahia, le bâtonnier de Sidi Bel Abbès fera d'ailleurs part à l'ex-chef de gouvernement de l'ensemble des recommandations sanctionnant cette journée d'étude.