La nouvelle loi sur l'information de janvier 2012 favorisera-t-elle vraiment l'émergence d'un “espace médiatique autonome ?" Cherchera-t-elle plutôt à “pérenniser la logique autoritaire ?" Telles sont les principales interrogations qui ont guidé Chérif Dris, maître de conférences à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information d'Alger, dans sa réflexion autour de la nouvelle loi sur l'information, qui vient d'être publiée dans la revue L'Année du Maghreb (édition Institut français de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman/Iremam). Sous le titre “La nouvelle loi organique sur l'information de 2012 en Algérie : vers un ordre médiatique néo-autoritaire ?", le chercheur, associé à l'Iremam, relève d'emblée que la loi organique du 1er janvier dernier n'est qu'une “ouverture contrôlée", en insistant sur le contexte particulier de sa promulgation. À ce sujet, il met en évidence deux “évolutions majeures", qui seraient liées à la personne du président de la République. La première évolution concernerait ainsi “l'évolution de la situation sociopolitique et économique de l'Algérie" depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir (en 1999). Dans l'autre constat, il fait part d'“un basculement dans la configuration du pouvoir algérien, avec la montée en puissance du clan de l'Ouest", Chérif Dris distingue, en outre, une autre “évolution" en faveur d'une ouverture du secteur de l'audiovisuel. Pourtant, indique-t-il, la nouvelle loi sur l'information reste silencieuse sur “l'ampleur" de cette ouverture ainsi que sur “l'identité" des propriétaires de chaînes de TV et de radios privées. Plus encore, il observe une sorte de flou entourant les modalités de l'ouverture de l'espace audio-visuel, mais aussi la composition et les missions de l'autorité de régulation de l'audiovisuel. L'enseignant-chercheur en arrive à penser que si l'ouverture aux capitaux privés paraît acquise, la volonté du pouvoir algérien à accepter l'avènement d'un “espace audiovisuel libre" l'est moins en revanche. En plus clair, “les autorités algériennes retardent autant que possible son ouverture", dit-il, en se référant à la nouvelle loi, “peu diserte sur ce secteur". Sur un autre registre, Chérif Dris confirme l'existence d'“ambiguïté", voire d'“interdits" sur tout ce qui touche au “secret défense", à la “sûreté de l'Etat" et au “secret économique stratégique". Ces dispositions, poursuit-il, “ferment de jure les portes d'accès à l'information" et offrent aux institutions de l'Etat, comme la Défense, les Affaires étrangères et les services de sécurité, “l'argument derrière lequel elles se réfugieront pour justifier leurs refus de communiquer des données". L'autre point suscitant des interrogations a trait à l'idée d'“inclure le débat sur l'histoire nationale dans la liste des interdits", ce qui laisserait penser que “la culture de l'unanimisme imposée à l'époque du parti unique reste de mise". Pour ce qui est de l'aspect publicitaire, le chercheur estime que “le pouvoir recourt à des procédés subtils, enrobés dans une sorte de nationalisme économique, où la protection du secteur public vient justifier les mesures de contrôle". De fait, précise-t-il, le monopole de l'Anep sur la publicité est non seulement maintenu, mais “il tend même à se renforcer". Enfin, concernant le domaine de l'information proprement dite, l'universitaire prend note sur la démarche du pouvoir qui chercherait à promouvoir “un certain journalisme d'allégeance", en jouant “au jeu de l'exclusion/marginalisation, d'une part, et l'inclusion/cooptation, d'autre part". Dans sa conclusion, Chérif Dris énonce clairement que “nous sommes en présence d'un ordre médiatique autoritaire où le credo est la liberté d'expression sans la liberté de la presse". H. A.