Des pratiques inquiétantes s'incrustent peu à peu dans les mœurs des citoyens de Souk Ahras. Effets de mutations sociales, culte du lucre et du gain facile ou renversement des valeurs et rupture avec les qualités ancestrales d'une société dépravée par ses nouveaux riches. Du jamais vu à Souk Ahras : des jeunes munis de leurs pièces d'identité, qui vous abordent à la sortie du tribunal ou à proximité de quelques administrations publiques, notamment les antennes de l'état civil pour vous proposer de faux témoignages en contrepartie d'une somme d'argent. D'autres font du porte-à-porte chez les commerçants de quelques rues relativement isolées pour vous demander une dîme pour avoir surveillé votre commerce sans que ceux-ci ne soient sollicités pour le faire. Mêmes comportements chez ceux autoproclamés gardiens de parkings et ceux que l'on paie pour vous éviter les chaînes interminables des guichets de poste ou ceux des extraits de naissance. De faux dévots, convertis en entrepreneurs et commerçants de premier rang, s'arrangent du mieux qu'il peuvent pour recruter une faune d'intermédiaires chargés de corrompre le circuit tout en qualifiant le tout de « ataâb aâwene echarika » (charges des partenaires de l'entreprise). L'acte est lui-même banalisé par ceux qui prêchaient la récompense divine et l'édification saine, pure, et sans ambitions pécuniaires. Nenni ; ce sont ceux-là mêmes qui détiennent et le monopole du recyclage de la manne pétrolière et le circuit corrupteur. Le phénomène des prête-noms et des entités fictives est l'autre pratique en vogue depuis la dernière décennie à Souk Ahras. La quasi-totalité des fonctionnaires et des élus locaux usent de leurs postes pour mieux gérer des marchés, dopés à l'extrême, par personnes interposées. Combien sont-ils ces responsables de pacotille et ces élus fantoches à être impliqués dans les grandes affaires de dilapidation de deniers publics et de conclusion de marchés douteux ? Des dizaines, d'après les procès-verbaux des différents corps de sécurité. Au nom de certains préalables et de la sacro-sainte stabilité des institutions, rares sont ceux qui se retrouvent devant un prétoire. Les enfants loués pour mendier, les escrocs notoires, le charlatanisme sous ses différentes formes… sont d'autres aspects d'une métamorphose qui s'achemine vers une dépravation certaine des mœurs.