Le coup d'envoi de la nouvelle saison coïncide avec la cinquième saison de la mise en place du professionnalisme en Algérie. Malgré l'argent investi, le professionnalisme algérien se heurte depuis 2010 à la dure réalité du terrain. Mauvais départ Avec le recul, beaucoup d'acteurs du monde du football national estiment que le lancement du professionnalisme a été fait dans la précipitation. C'est notamment l'avis du porte-parole de l'association des présidents de clubs professionnels et porte-parole de l'ASO, Abdelkrim Medouar : «L'instauration du professionnalisme a été faite de manière très hâtive. A l'époque, on avait encore devant nous une année ou deux pour sa mise en place. On pouvait rester dans la légalité envers la FIFA, mais il fallait se lancer d'une manière bien plus réfléchie.» Cet avis est également partagé par l'ex-président du WA Tlemcen et ex-président du Forum des clubs professionnels qui se rappelle : «Les clubs ont ouvert le registre de commerce dans la précipitation, car ils avaient peur de ne pas pouvoir jouer dans le championnat professionnel.» Abdelkrim Medouar estime qu'avoir engagé 32 clubs comme professionnels a été une erreur : «La logique aurait voulu que les clubs qui ont remporté le championnat ou la coupe d'Algérie ainsi que les équipes qui jouaient les compétitions africaines et arabes ne soient pas mis dans les mêmes conditions que les clubs qui luttaient pour le maintien en Ligue 2. Il y avait un grand budget. Si on avait instauré le professionnalisme avec dix, voire douze clubs qui remplissaient les conditions du cahier des charges et qu'on leur avait fait bénéficier de tous ces moyens, tout en ajoutant au bout quatre ou cinq autres clubs pour arriver à seize ou dix-huit, les choses auraient été peut-être meilleures aujourd'hui», avoue-t-il. Pas de plafonnement des salaires Annoncé en grande pompe lors de l'exercice précédent par le président de la FAF, Mohamed Raouroaua en personne, le plafonnement des salaires ne verra pas le jour, du moins pas pour la saison 2014/2015. Le premier responsable de Dély Ibrahim avait assuré que le plafonnement des salaires était inévitable pour sauvegarder les clubs. Mais après la levée de boucliers des joueurs qui ont refusé que leurs salaires soient fixés à 120 millions de centimes au mieux, la FAF et la LNF ont dû faire marche arrière. D'ailleurs, le président de la Ligue, Mahfoud Kerbadj, a indiqué récemment que «le plafonnement des salaires est une décision prise après concertation et en commun accord par les présidents de club, qui se plaignaient du manque de ressources financières. A présent, ce sont eux-mêmes qui ne respectent pas ce qui a été décidé et convenu par eux afin de les aider à mieux gérer la masse salariale des joueurs, devenue trop importante. Ils n'ont qu'à assumer les conséquences de leur gestion. La LFP n'a aucun droit sur eux à ce propos.» En 2005, il y avait des joueurs qui touchaient 60 millions par mois. La somme a doublé en 2009. Avec l'avènement du professionnalisme, le salaire de certains joueurs est passé à 200 millions de centimes par mois. «En dix ans, des joueurs ont multiplié leur salaire par huit. A mon sens, les instances auraient dû aller au bout de leur idée et ne pas céder.» Faillite ! La ruée vers le professionnalisme a fait des ravages dans les clubs avec l'endettement et leurs difficultés à assainir leur situation financière. «Le problème du professionnalisme, ce n'est pas quelque chose demandée par la base. C'est une décision venue d'en ‘‘haut''; or, le climat socioéconomique de l'Algérie n'est pas favorable. Quel est l'industriel capable de débourser 20 milliards de centimes de sa poche pour gérer un club pendant un an. Tous les clubs sont déficitaires, et aux yeux de la loi ils devraient mettre la clé sous le paillasson», affirme Yahla. Le premier responsable du Paradou AC, Kheireddine Zetchi, est lui aussi critique : «Aujourd'hui, après la cinquième année de la mise en place du professionnalisme, les années ont changé, et les clubs n'ont fait que cumuler les dépenses et contracter des dettes. Sinon, les critères du professionnalisme tel que ce dernier est présenté dans le cahier des charges, ne sont pas respectés à ce jour, de même que les conditions basiques du professionnalisme, comme la mise en conformité des infrastructures sportives, le fair-play financier, l'assainissement les finances des clubs, de même que le lancement de la formation. Mieux, on peut dire aujourd'hui que le professionnalisme n'a même pas encore commencé», affirme Zetchi. L'exemple du paradou Le centre de formation est un élément indispensable dans la mise en place du professionnalisme. Et dans ce domaine, le club du Paradou AC, qui évolue aujourd'hui en division nationale amateur, groupe Centre, semble avoir une longueur d'avance sur tous les autres clubs. En effet, celui-ci a réussi à construire son propre centre de formation, qui est depuis opérationnel. «Nous sommes convaincus depuis toujours que pour former de bons joueurs il faut créer des centres de formation. Nous avons lancé notre académie en 2007. L'assiette de terrain de notre centre de formation, on l'avait achetée en 2004, pratiquement six ans avant le lancement du professionnalisme», dira Kheireddine Zetchi. Ce dernier a ajouté que l'une des raisons de l'échec du professionnalisme en Algérie reste que le centre de formation, qui est le pilier du professionnalisme, n'est pas respectée en Algérie. Les clubs sont trop impatients, ils ne veulent pas attendre dix ans pour récolter ce qu'ils ont semé. Mais je persiste à dire que les clubs peuvent réaliser leur propre centre de formation. Au lieu de payer de gros salaires à leurs joueurs en suivant cette spéculation, ils peuvent mettre chaque année 30 à 35% de leur budget dans la construction de leur centre. La saison prochaine, nous allons avoir quatorze joueurs de l'académie qui vont intégrer les seniors. On va jouer avec le produit de notre académie avec comme objectif l'accession en Ligue 2.» Les clubs sur la touche ! Même s'ils restent des partenaires incontournables dans l'équation professionnalisme, beaucoup de responsables de club ont l'impression d'être relégués sur la touche. Ils n'ont d'ailleurs pas été associés à l'élaboration de son projet, et aujourd'hui encore ils ne savent plus à quel saint se vouer. Ayant créé dans la hâte leur Société sportive par actions (SSPA), les clubs se sont retrouvés face à un dilemme. «Dans la réalité, on s'est retrouvé avec le statut de société sportive, alors que nous n'avons aucune activité commerciale. On ne produit pas et on ne vend rien du tout. On a que l'argent qui rentre des subventions de l'Etat, les sponsors et les recettes des stades et qui sont minimes. Mais, d'un autre côté, nous devons payer les joueurs, leur donner les primes et assurer aussi le fonctionnement du club. Du coup, on se retrouve chargé de gérer les problèmes du club, en plus de la pression des supporters qui sont de plus en plus exigeants.» Le ministre des Sports, Mohamed Tahmi, avait initié la mise en place d'une commission composée de représentants des clubs, de la FAF, ainsi que ceux du MJS. Celle-ci avait pour mission d'établir une feuille de route et faire des propositions pour corriger les lacunes constatées dans la mise en place du professionnalisme. «On s'est réunis une seule fois, mais depuis plus rien. Une fois, j'ai discuté avec le ministre qui croyait que cette commission était opérationnelle. Le projet du professionnalisme est ambitieux, mais cela ne pourra se faire qu'en concertation avec le MJS, la FAF et les clubs.»