L'accord politique scellé entre Louisa Hanoune et Ouyahia est-il une alliance de circonstance dictée par un simple report des voix aux sénatoriales ou un mariage de raison plus solide entre deux partis qui ne partagent pas grand-chose ? Peut-être les deux. L'effet d'annonce d'un tel accord contre nature aurait été détonnant si l'Algérie n'était pas aussi aseptisée politiquement, au point que seules les déclarations aléatoires de Saâdane sur les défis des Verts suscitent quelques commentaires. Et encore… Le fait est que la distance psychologique entre la performance et la médiocrité s'avère, finalement, si mince dans le discours du sélectionneur national. Cela vaut aussi en politique. Le fossé idéologique séparant l'extrême gauche du PT et ce qu'on pourrait qualifier de droite nationaliste du RND n'est pas aussi large qu'on le pensait. Cet accord vient nous rappeler qu'en Algérie, les frontières politiques sont tellement élastiques qu'elles peuvent rabibocher aujourd'hui les meilleurs ennemis d'hier. Le RND de Ouyahia et le PT de Louisa Hanoune sont désormais liés pour le meilleur. Et certainement contre le pire. Le meilleur est qu'Ouyahia, qui traîne l'étiquette d'être le chantre du libéralisme à l'algérienne n'hésitant pas à adopter des mesures anti-sociales, dispose d'une bonne occasion de soigner son CV. Louisa Hanoune et Sidi Saïd se chargeront de le populariser auprès des « masses laborieuses ». Ouyahia, un socialiste ? Au PT, on veut y croire. Et ça doit faire plaisir à « Si Ahmed ». Belkhadem, lui, refoule sa douleur débordante. Pour Louisa Hanoune, Ouyahia et son RND pourraient être le bon cheval pour mettre le deuxième pied à l'étrier. Etant depuis 2003 à la périphérie du pouvoir en assumant un pacte de non-agression, Louisa Hanoune se paye un accord politique avec l'homme qui a toujours dénoncé son « populisme », parfois vertement. Mieux vaut, en effet, baiser la main qu'on ne peut mordre, dit l'adage. Oublier le passé si blessant semble être la nouvelle devise du Parti des travailleurs, qui veut achever sa mue en parti pièce maîtresse du système. Comment peut-on croire une seconde que Ahmed Ouyahia a remisé ses convictions pour les beaux yeux de Louisa Hanoune et son parti ? Difficile en effet de ranger le RND et le PT dans le même tiroir idéologique. Le patriotisme économique prêté, à tort ou à raison, à Ouyahia dans l'élaboration de la loi de finances complémentaire ne peut expliquer ce rapprochement spectaculaire et inédit. De par son extraction idéologique et son parcours politique, le PT est plus proche du FLN que du RND. Le parti de Belkhadem est-il en perte de vitesse chez les décideurs ? Les voies du système restent impénétrables. Faut-il rappeler aussi que le duo Temmar-Khelil qui empoisonne la vie à Mme Hanoune est dirigé par le même Ouyahia… Il est, en tout état de cause, hasardeux d'expliquer comment le PT a « prouvé son indépendance » en signant avec le RND. Les « ennemis » peuvent être aussi très intimes, c'est là tout le « génie » de la politique en Algérie que cet accord bizarre décline.