Me Gilles Devers a été mandaté par une coordination internationale de plus de 4000 ONG afin de porter plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) contre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Tout a commencé au mois de juillet dernier, en Allemagne, avec l'affaire Brita-Sodaclub. L'entreprise allemande Brita GmbH importe des machines pour la fabrication de sodas, produits par une société israélienne, Sodaclub. Sur les étiquettes des marchandises est mentionné « made in Israël ». Ce qui, ipso facto, exempte celles-ci de toutes taxes douanières, en vertu d'un accord signé entre Israël et l'Union européenne (UE). Seulement, les usines de Sodaclub sont basées à Ma'ale Adumim, territoire occupé de Cisjordanie. Les douaniers allemands sont intransigeants : les produits ne sont pas fabriqués en Israël, ce qui vaut aux marchandises d'être imposées. Le montant dû est de 19 000 euros, que Brita refuse catégoriquement de payer. Cette dernière a d'ailleurs contesté cette décision devant le tribunal des finances de Hambourg qui, à son tour, a demandé à la Cour européenne de justice (CEJ) de statuer sur une décision préliminaire pour tous les Etats membres de l'UE. Ce jugement créerait ainsi une position officielle européenne quant aux taxes à appliquer ou non aux territoires occupés. Et donc un premier pas vers une politique fiscale et économique européenne incluant l'illégalité de la colonisation juive. « La décision n'a toujours pas été rendue. Toutefois, l'avocat général estime, dans ses conclusions, que le régime préférentiel de l'accord UE-Israël ne peut être appliqué à un produit originaire de Cisjordanie et, plus généralement, aux territoires occupés, car ceux-ci ne relèvent pas d'Israël », raconte Me Gilles Devers, docteur en droit et avocat à Lyon. Il a été mandaté par une coordination internationale de plus de 4000 ONG afin de porter plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) contre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il était l'invité, hier, du forum d'El Moudjahid, qui, une année après l'attaque de l'armée israélienne sur Ghaza, fait le « point post-opération Plomb durci » et les actions menées afin que justice soit rendue. Car, ce qui n'est qu'un litige douanier, somme toute « anecdotique », a fait envisager à Me Devers d'autres « procédures » afin de plaider la cause palestinienne. « De l'injustice à l'illégalité. L'incrimination d'Israël doit aussi se faire économiquement et commercialement, et ce en s'appuyant sur l'illégalité de sa politique et de ses pratiques », explique l'avocat. Et ce nouvel axe a d'ores et déjà été exploité. La société française Alstom a récemment répondu à un appel d'offres lancé par l'entité sioniste pour la réalisation d'un tramway à Jérusalem. Le tracé du projet traverse la ville, et passe par Jérusalem-Est occupé. L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a porté plainte auprès du tribunal civil de Nanterre contre Alstom pour « complicité de crimes de guerre et contre l'humanité ». « Même si le procès n'a pas encore eu lieu, la recevabilité de la plainte a été établie par la cour, ce qui en soi, est déjà une victoire. Car cela veut dire, qu'à terme, un jugement pourra décréter que ces entreprises participent à une entreprise qui a un but illégal », commente-t-il. Entreprises complices de crimes contre l'humanité Comparant le calvaire enduré par les Palestiniens aux pratiques qu'ont fait subir les nazis aux juifs durant la Seconde Guerre mondiale, l'avocat fait l'analogie entre la complicité de ces entreprises et ceux qui ont contribué à la déportation des juifs, ou garder le silence face à la Shoah. « Une plainte avait été déposée contre la compagnie des chemins de fer française pour complicité de génocide. Le Conseil de la nation n'a pas contesté la forme, mais a statué sur le fond, arguant que ces trains ont fait l'objet d'une réquisition militaire. Contrairement à ces sociétés qui activent dans les colonies, qui le font de leur plein gré », assure-t-il. Ainsi, ce type de boycott touchera toutes les entreprises qui soumissionnent pour des travaux de construction, d'assainissement, d'énergie, d'hydraulique et qui participent à l'implantation de colons. « Il faut aboutir à l'annulation de marchés et de projets, à la fixation de frais de douanes ou carrément au bannissement de certains services et produits », exhorte Me Devers. Bien plus que symboliques, ces actions en justice sont un moyen de faire pression sur les actions diplomatiques et politiques qui n'en finissent pas de « patiner ». Mais ce sont aussi et surtout des chemins de traverse, des alternatives aux plaintes déposées auprès du CPI, qui sont entravées par le caractère « hors des lois » d'Israël, soutenu dans son impunité par les Etats-Unis. « Le statut de Rome n'a pas été ratifié par ces deux pays, et la Palestine n'est pas considérée comme un Etat. De ce fait, nous agirons contre les membres de l'UE et ceux-là mêmes qui sont passibles de poursuites devant les instances internationales », conclut Me Devers. En mai prochain, ce même statut de Rome, qui ne prend pas en compte la Palestine, sera révisé. La majorité des 110 pays siégeant à la CPI sont des pays « non occidentaux », les mêmes qui ont voté, au Conseil des droits de l'homme de l'Onu, en faveur du rapport de la commission Goldstone. Et il semblerait que ces Etats escomptent faire en sorte que le peuple palestinien ne soit plus exclu de ce protocole. Ce qui pourrait peut-être enfin faire avancer bien des choses…