Devons-nous attendre quelque chose en ce début de la nouvelle année ? Avons-nous le droit d'espérer que le vent du changement qui souffle sur toute la planète va enfin secouer les consciences de ces gens qui nous gouvernent ? Les Algériens vont-ils sortir du long tunnel noir fait de promesses non tenues, de corruption institutionnalisée, d'horizons politico-économiques bouchés, et par-dessus tout, d'une gestion policière de la vie nationale ? En ce début 2010, on aurait tant aimé raconter de belles choses sur notre cher pays, dire à quel point il fait bon vivre en Algérie et, bien sûr, formuler le vœu que la nouvelle année soit plus heureuse pour nos compatriotes. Parce que ce pays est si riche et si spacieux qu'il peut rendre le sourire à tout le monde dans une belle communion nationale. Mais hélas, l'espérance semble avoir déserté nos cœurs. Les 1ers janviers se suivent et se ressemblent et les années se succèdent, repoussant à plus tard le bonheur légitime d'un peuple à qui on fait voir de toutes les couleurs pour que, justement, il ne verra rien.Il faut être aveugle pour ne pas remarquer qu'il y a des Algériens d'en haut et ceux d'en bas. Ceux qui nous gouvernent affichent arrogamment leur opulence et celle de leurs rejetons devant les yeux forcément envieux d'un peuple réduit à tendre la main. Oui, la « plouquerie » est devenue le visage hideux de ces nouveaux « riches » qui roulent en 4x4 sur le dos des Algériens. Il est difficile de lutter dans ces conditions contre le terrorisme et le banditisme qui se nourrissent précisément de ces exclusions sociales et de cette stratification surfaite de la société. Le pouvoir politique et ses bras armés ne laissent pas trop le choix à cette jeunesse désemparée. La « harga » qui a alimenté la chronique nationale durant l'année 2009 constitue le plus cinglant boomerang à ceux qui se gargarisent des « Injazates ». Que peut-on penser, en effet, du gouvernement d'un pays dont les enfants le fuient par milliers au péril de leur vie ? Il est difficile de trouver trace d'une « aussi bonne gouvernance », mis à part au pays du Sahel où les dirigeants n'ont pas grand-chose à offrir à leurs compatriotes. Et pourtant, ce bilan humainement… inhumain, socialement dégradant et politiquement humiliant est servi presque comme un trophée de guerre. Les autorités, suivant les « orientations éclairées de son excellence » ont ouvert la chasse contre ces jeunes desperados qui préfèrent « être bouffés par les poissons » que de rester dans un pays qui ne leur propose rien. Le gouvernement de Bouteflika a pondu une loi criminalisant les haraga pour services rendus à l'Europe qui se ferme à double tour. Et rien ne permet de dire que « l'hémorragie humaine » va cesser en 2010.Au plan économique, l'année qui commence est censée être celle de la réception des projets qui ont connu un glissement calendaire, alors qu'ils avaient servi de carburant électoral à la réélection de Bouteflika. Mais, point d'autoroute Est-Ouest, point de tramway et point du million de logements. La « ouhda thalitha » en poche, le président et son entourage se sont autodispensés du devoir d'informer le peuple algérien sur ces ratages aussi monumentaux que le sont les projets en souffrance. Certains ministres se chargent régulièrement de chloroformer l'opinion par des chiffres ronflants sur un bilan bien famélique. En revanche, les Algériens ont eu droit à des déballages honteux sur l'usage qui a été fait de cet argent destiné à financer ces projets. L'autoroute Est-Ouest est ainsi devenue un tonneau des Danaïdes. Ce projet du siècle, comme le veut la démesure populiste de ceux qui nous gouvernent, se transforme en scandale du siècle. Projets et scandales du siècle Le délai de livraison de cette autoroute prévu pour le 17 de ce mois conformément au contrat, risque de subir des kilomètres de retard. Le proche collaborateur du ministre et ses lieutenants qui gèrent ce dossier sont en taule. Et aux prochains… Le constat vaut également pour le « tram ». Le ministre des Transports a tout dit sur ce projet qui a défiguré la capitale, sauf sur son délai de livraison extensible à souhait. Quant au fameux million de logements, la propagande officielle a usé et abusé des délais et des chiffres fantaisistes au point de changer de cap en parlant désormais d'un autre million de logements ! La trouvaille ne manque pas de « génie » : la meilleure façon de noyer un problème, c'est de ne pas en parler… Et tout porte à croire que cette gestion des affaires du pays va continuer en cette année 2010. Bouteflika et son équipe n'ont manifestement pas grand-chose à proposer de bien original. La récupération éhontée de la réussite sportive de l'équipe nationale, en la versant à l'actif du président, dénote de cette quête éperdue d'une once d'espoir dans un océan de désolation. Bouteflika entre Ziani et Bouhired En cela, la qualification des Verts en Coupe du monde risque, ironie du sort, d'être une malédiction pour le pays. Bouteflika et ses collaborateurs disposent en effet de six mois de grâce tant les Algériens sevrés de succès n'auront d'yeux que pour les Verts. A n'en point douter, ce premier semestre sera vendangé en football, histoire d'endormir un peu les gens. Bouteflika a compris la psychologie de son peuple : donner tous les moyens aux camarades de Ziani et à ceux qui veulent les accompagner en contrepartie d'un retour rapide sur « investissement ». Le pouvoir politique a malheureusement fait irruption dans le vestiaire des Verts. Les « Vivats Bouteflika », sans doute arrachés à nos footballeurs immigrés le jour du triomphe à Khartoum, confirment déjà que ces héros du peuple ont été politiquement kidnappés. Le président veut, coûte que coûte, coller son image à l'Algérie qui gagne et non pas à celle des scandales de corruption à grande échelle. Le comble est que cette équipe de foot qui nous a valu tant de joie est un pur produit de l'importation ! Néanmoins, en ces temps de ratages, la victoire des Verts est une planche de salut qui remet au second plan, pour quelque temps encore, les errements politiques et économiques du régime. Oublions donc le traitement humiliant infligé à la grande Djamila Bouhired, oublions cette autoroute qui s'étire et son argent sale et, bien sûr, oublions ces haraga et ces jeunes de Diar Echems qui déclinent une autre Algérie – rebelle – que celle que veulent montrer Bouteflika et son équipe.C'est pourquoi cette année 2010 n'est pas vraiment prometteuse au regard de ce constat trop linéaire. A défaut de promesses, les Algériens devraient se contenter de prier pour que 2010 ne sera pas pire que 2009. Parce que, en Algérie, quand le foot va, le reste n'est que foutaise... Bonne année tout de même