Si la piste de l'acte isolé a été privilégiée suite à l'identification des frères Kouachi qui ont tué 12 personnes lors de l'attentat contre Charlie Hebdo, l'hypothèse d'une plus large attaque terroriste et coordonnée contre la France a repris le dessus. La police et des journalistes, en effet, ont réussi à établir des connexions et des liens possibles entre les présumés terroristes impliqués dans ces attaques. La détermination apparente des forcenés a provoqué une psychose et un suspens dignes des séries américaines. Les autorités françaises ont ordonné la fermeture de quelques écoles et le blocage momentané de plusieurs stations de métro et de gares de TGV à cause de fausses alertes. Tous les corps de sécurité, en alerte maximale sous le plan Vigipirate-Alerte attentat, ont renforcé la sécurité autour des monuments parisiens, de quartiers résidentiels et de lieux de culte et de certains établissements publics. La filière Buttes-Chaumont Le mode opératoire est le premier indice du lien qui pourrait exister au moins entre trois assaillants : les frère Kouachi et Amedy Coulibaly. Ils étaient tous encagoulés et vêtus de tenues noires. Ils étaient armés de kalachnikovs et portaient des gilets pare-balles. Chaque attaque était suivie de courses-poursuites et de prises d'otages. Le premier expert qui a évoqué un éventuel lien entre toutes ces attaques est le chercheur Jean-Pierre Filiu qui a rappelé la filiale djihadiste «Buttes-Chaumont». Au début des années 2000, un certain Farid Benyettou s'était imposé comme un véritable gourou de plusieurs jeunes musulmans qui fréquentaient la même mosquée que lui, Adaawa au 19e arrondissement de Paris. Parmi ces jeunes, on retrouve Cherif Kouachi. Ce dernier a déclaré aux journalistes de France 3 de l'émission Pièces à convictions, diffusée en 2005, que Benyettou lui avait dit que «les textes donnaient des preuves de bienfaits des attentats-suicide. C'est écrit dans les textes que c'est bien de mourir en martyr». Le jeune prédicateur était en réalité un émir chargé de recruter des djihadistes pour partir en Irak et combattre dans les rangs d'Al Qaîda. Cette information a été confirmée, jeudi, à la presse par la préfecture de police de Paris, qui ajoute que Cherif et son maître spirituel Farid ont été arrêtés en 2005. Le cadet des Kouachi a été condamné, en 2008, à 18 mois de prison ferme. En 2010, il a été mis en examen, puis innocenté dans une affaire de planification d'évasion du terroriste Smaïn Aït Ali Belkacem, l'un des membres du GIA qui ont organisé les attentats terroristes à Paris en 1995. Le frère aîné, Saïd Kouachi, a été aussi entendu dans l'affaire. Hier, Le Monde.fr, citant une source de la Sous-direction antiterroriste (SDAT), a indiqué que Cherif Kouachi connaissait également Djamel Beghal, et au moins un autre terroriste du GSPC dont l'identité n'a pas été dévoilée. Djamel Beghal, ancien membre de la filiale parisienne du GIA et l'un des prédicateurs d'une secte salafiste radicale, a été condamné plusieurs fois pour terrorisme et prosélytisme. Selon la SDAT, Cherif Kouachi et Amedy Coulibaly, «tueur de Montrouge» et de Porte de Vincennes, sont des disciples de Beghal. Assignés à résidence au département du Cantal, les deux apprentis-djihadistes lui rendaient visite. Al Qaîda vs Daech ! Amedy Coulibaly a un lourd casier judicaire de délinquant. Il a été aussi impliqué avec Kouachi et Beghal dans la tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem. Plus discret, Saïd Kouachi, qui se retrouva très tôt avec son frère Cherif dans un foyer pour orphelins, n'a pas trop fait parler de lui jusqu'à l'attentat contre Charlie Hebdo. Néanmoins, les médias français ont repris, ces dernières heures, une information donnée par une source diplomatique française, indiquant que Saïd aurait reçu un entraînement dans un camp d'Al Qaîda à la péninsule arabique (AQPA) au Yémen, en 2011. Lors de l'attaque contre Charlie Hebdo, plusieurs témoins oculaires ont déclaré aux médias que les tueurs se sont revendiqués d'Al Qaîda du Yémen. De son côté, Jean-Pierre Filiu indique la possibilité de la piste de Daech. Il se base sur la relation de l'époque du groupe Buttes-Chaumont, entre Cherif Kouachi et Boubakeur Al Hakim, un Franco-Tunisien. Ce dernier fait partie d'un groupe de Daech qui a revendiqué récemment, dans une vidéo, l'assassinat des opposants tunisiens Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Pour l'instant aucune revendication officielle n'a été faite.