Les chefs des services de sécurité britanniques ont mis au défi leur Premier ministre Tony Blair de fournir des preuves que « plusieurs centaines de terroristes » sont actuellement opérationnels en Grande-Bretagne. Le locataire du 10, Downing Street a en effet déclaré, dans une interview à la BBC Radio Four, qu'« il y a plusieurs centaines de terroristes dans notre pays qui, nous pensons, sont en train de planifier ou d'essayer de commettre des actes terroristes ». Il a lancé cette mise en garde dans l'espoir de justifier l'élaboration de la nouvelle loi antiterroriste, à quelques jours de son passage à la Chambre des communes (Parlement) pour adoption. Cette loi permet le maintien en résidence surveillée de suspects terroristes étrangers et nationaux qui seront dotés de bracelets électroniques et privés d'internet et de téléphone. Tony Blair a indiqué : « Si la loi devait être rejetée, la Grande-Bretagne serait démunie de systèmes de défense contre une grand nombre d'attentats-suicides potentiels. » La loi est passée au Parlement. La Chambre des lords doit se prononcer sur le nouveau texte dans les prochains jours. Les chefs des services de sécurité ont accusé le Premier ministre d'exagération, ajoutant que, selon leurs informations, le nombre réel des terroristes ne dépasse pas la centaine. Le quotidien The Evening Standard cite « une source sécuritaire bien placée » qui affirme que le Premier ministre « utilise un langage déplacé », notant que « tout individu soupçonné de préparer un attentat terroriste est immédiatement placé sous surveillance, alors que les autres ne sont pas considérés comme une menace sérieuse ». Un autre « haut responsable des services de sécurité » ira encore plus loin en déclarant au Times que le nombre des suspects considérés comme « sérieux ou de moindre importance » ne dépasse pas la vingtaine ou la trentaine. Il a ajouté que le chiffre mentionné par Tony Blair concerne quelque 200 individus qui, selon les services de sécurité du MI6, ont visité l'Afghanistan et le Pakistan avant les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis. Quelque 40 ou 50 parmi eux sont considérés comme une menace plus ou moins sérieuse. Parmi ces derniers, 15 ont quitté le pays, a-t-il dit. Le reste comprend certains des suspects qui sont actuellement détenus à la prison de Belmarsh, en banlieue londonienne. Le responsable affirme que les remarques faites par Tony Blair « ne sont sont correctes ». « Elles sont irresponsables et ne peuvent que faire peur aux gens. On peut bien s'en passer, » a-t-il indiqué. La controverse ne manquera pas de mettre à rude épreuve la crédibilité du gouvernement déjà sévèrement ébranlée par les mensonges de Tony Blair sur le fameux dossier sur l'existence des armes de destruction massive de l'Irak pour justifier la participation de la Grande-Bretagne aux côtés des Etats-Unis dans la guerre contre Baghdad. Depuis, ces mensonges suivent Tony Blair comme une ombre. Il a beau exhorter ses citoyens à « faire un trait » sur cet épisode et à se concentrer sur les problèmes internes, rien n'y fait. Son « comportement déshonorable » dans la guerre contre l'Irak continue d'être un des thèmes majeurs de la campagne électorale à deux mois des élections législatives du 5 mai. Tôt ou tard, il doit rendre des comptes.