Les femmes et les hommes présents ont pu découvrir les entraves dressées contre Assia Djebar par certains responsables algériens afin de ne pas permettre à la patriote de notoriété mondiale, qui n'avait à aucun moment renié son algérianité, de s'associer aux manifestations culturelles algériennes. Ahmed Bedjaoui, le producteur d'Assia Djebar et universitaire chercheur, et la journaliste Seddiki Djamila, deux personnes qui avaient côtoyé la militante pour l'indépendance de l'Algérie, l'Algérienne devenue membre de l'Académie française pendant un certain temps, avaient «parsemé» leurs pertinentes interventions par des anecdotes sur le caractère d'Assia Djebar lors de leurs rencontres avec elle. Le travail littéraire accompli durant un demi-siècle (1957-2007) par Assia Djebar, les magnifiques leçons d'histoire de la romancière, les douleurs de la cinéaste devant le comportement de ses compatriotes complexés par le succès de ses œuvres partout dans le monde, son rôle dans le réseau Janson, ses recherches pour aller dans les lointaines profondeurs afin de faire découvrir la vérité, son bonheur quand des «imbéciles algériens» perdent leur voix au moment où l'intellectuelle exceptionnelle affrontait les déluges d'éloges dans les pays civilisés de l'Europe et de l'Amérique, selon les propos de l'orateur, son humilité, sa discrétion et sa clairvoyance ne lui avaient pas suffi pour s'associer dans le développement du savoir dans son pays, où le vrai intellectuel malheureusement n'est pas roi. L'assistance écoutait religieusement la succession des descriptions «des tableaux» inhérents à la personnalité brimée d'Assia Djebar, ses frustrations face aux détenteurs du pouvoir de son pays. D'ailleurs, l'exemple relatif à son absence à l'occasion de la célébration de l'Année de l'Algérie en France en 2002 aura été le coup fatal qui avait porté atteinte au moral de Fatma Zohra Imalhayène, cette jeune Algérienne qui avait déserté sa classe en France dès qu'elle avait pris connaissance de l'appel du FLN, afin de rejoindre les rangs de l'UGEMA à Tunis. A l'issue de cette rencontre à Tipasa qui s'est achevée très tard, Ahmed Bedjaoui n'avait pas caché sa satisfaction sur l'intérêt que portent ses compatriotes sur la vie et les œuvres d'Assia Djebar. La modératrice, artiste et poétesse Saliha Imekraz, trop émue, avait créé une œuvre inédite à la mémoire d'Assia Djebar après son enterrement. Elle n'avait pas réussi à dissimuler ses sentiments devant l'assistance quand elle avait décrit le sens des couleurs de son œuvre. «Assia Djebar est une femme qui appartient désormais à la planète», déclare la directrice de la revue Livresc. La multiplication des rencontres dans des universités algériennes autour des thèmes qui s'articulent sur le travail de la Cherchelloise, native de la wilaya de Médéa, ressuscite Assia Djebar, décédée en février dernier.