A près le soulagement qui a suivi la libération de l'envoyée spéciale d'Il Manifesto, les responsables italiens ne cachent plus leur colère envers les militaires américains qui ont tiré sur la voiture transportant l'otage et les médiateurs italiens qui ont conclu la négociation avec les ravisseurs. Le chef d'Etat italien, Carlo Azeglio Ciampi, a demandé officiellement des explications aux autorités américaines sur l'assassinat du fonctionnaire italien, auquel il a décerné, à titre posthume, la médaille d'or du mérite patriotique. Des funérailles officielles seront organisées aujourd'hui, à Rome, et la place centrale de Vittorio portera désormais le nom de l'agent mort sous les tirs américains en voulant protéger Giuliana. Plusieurs centaines d'Italiens, portant le drapeau irakien, manifestent, depuis hier soir, devant l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Rome, pour exprimer leur condamnation de l'attaque armée menée par une patrouille américaine contre le convoi de Giuliana Sgrena à sa libération, et qui a coûté la vie à l'agent secret italien. Les manifestants, réunis aux alentours de l'ambassade américaine, à Via Veneto, ont scandé des slogans dans lesquels ils réclament le retrait immédiat du contingent italien d'Irak et ont dénoncé ce qu'ils ont appelé « le mépris de la vie des autres de la part de soldats américains, à la gâchette facile ». Le conjoint de la journaliste italienne, Pier Scolari, n'a pas usé d'euphémisme pour accuser, devant la presse, les Américains d'avoir voulu « tuer Giuliana, car, en tant que journaliste qui a été sur le front, elle détient des informations délicates », ajoutant que les forces armées américaines avaient été informées du passage de la voiture et que la pluie de tirs qui s'est abattue sur le convoi ne provenait pas d'un check point, mais d'une patrouille. Ces détails, confirmés par l'autre agent qui a survécu à la fusillade, alimentent une vive polémique entre l'opposition et le gouvernement italien. Plus que jamais, les partis de gauche, opposés à la présence italienne en Irak, exigent le retrait du contingent de leur pays. De plus, Giuliana a raconté que ses ravisseurs lui avaient recommandé, juste avant sa libération, d'être prudente, « car les Américains veulent ta mort ». Les médias américains parlent d'un manque de coordination entre les services secrets des deux pays alliés, alors que Bush a promis, lors d'une conversation téléphonique avec son ami Silvio Berlusconi, d'ouvrir une enquête sur l'affaire. De son lit d'hôpital où elle se trouve pour soigner une fracture de l'épaule, blessure provoquée par les tirs américains, Giuliana a écrit un article publié hier par Il Manifesto, intitulé « Ma vérité », dans lequel elle réaffirme sa colère et sa conviction que leur voiture avait bel et bien été la cible choisie des soldats américains. Ce qui a inspiré une illustration émouvante au célèbre caricaturiste du quotidien communiste, Vauro, qui a inscrit la phrase : « Tu nous l'as ramenée ! » à coté d'une colombe blessée et ensanglantée, portant un rameau d'olivier dans la main.