Rien ne va plus dans les relations bilatérales entre le gouvernement italien et son homologue des Etats-Unis, après que des sources proches du ministère de la Défense outre-Atlantique aient révélé aux médias américains l'existence d'une documentation obtenue par un satellite de surveillance, qui établirait que la voiture transportant Giuliana Sgrena et son libérateur, Nicola Calipari, voyageait à plus de 96 km/h, ce qui aurait été la cause des tirs déclenchés par la patrouille américaine. La journaliste et l'autre agent secret qui a survécu à la fusillade ont toujours affirmé qu'ils roulaient à moins de 40 km/h et qu'ils n'avaient reçu aucun avertissement de la part des marines, qui auraient, selon eux, ouvert le feu en même temps qu'ils auraient dirigé un projecteur de reconnaissance sur le véhicule. De plus, les mêmes sources proches de la Maison-Blanche ont affirmé détenir des preuves que le gouvernement italien a payé plusieurs millions de dollars aux ravisseurs de la journaliste pour obtenir sa libération. Il n'en fallait pas plus pour que les autorités italiennes, qui avaient déjà refusé de valider les conclusions établies par les experts américains, à l'issue de l'enquête relative à l'assassinat du fonctionnaire des services de renseignements italiens, Nicola Calipari, le 4 mars dernier, déclarent ne pas partager du tout la position américaine. La justice italienne mènera sa propre enquête, bien que des experts italiens aient exprimé leur déception de voir que la voiture dans laquelle voyageait le groupe de Sgrena dirigé vers l'aéroport de Baghdad ait été livrée aux Italiens seulement après avoir subi des « manipulations ». Ces nouveaux soubresauts de l'affaire de la libération tragique de l'envoyée spéciale du Il Manifesto vient envenimer une atmosphère politique très tendue et mettre le tout nouveau gouvernement Berlusconi bis dans une situation inextricable. Le président du Conseil italien comptait sur les résultats de l'enquête menée par la commission mixte italo-américaine pour calmer les esprits, au lieu de quoi, il a dû faire face aux fuites embarrassantes de l'allié, qui, non seulement ne parle ni d'accident ni de faute, mais de plus passe à l'attaque. Pour se défendre d'avoir versé une rançon au groupe qui a enlevé Sgrena, Berlusconi a ainsi répondu aux journalistes : « La CBS a diffusé des affirmations qui sont en contradiction avec les informations dont je dispose. » Mais le chef du groupe des Démocrates de gauche au Sénat, Gavino Angius, ne se contente pas, comme l'ensemble de l'opposition, de cette explication et invite le gouvernement à « se présenter devant le Parlement », promettant : « Nous ne lui renierons pas notre soutien pour que la vérité soit rapidement établie, on le doit à la mémoire de Calipari et à la dignité de notre pays. » Pour sa part, l'ancien président de la République italienne, Francesco Cossiga, a souhaité que l'Administration Bush collabore avec les enquêteurs italiens, car « c'est un devoir envers une nation alliée et amie ». La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a demandé que « les responsabilités dans l'assassinat de Nicola Calipari soient définies » et n'a pas caché son irritation devant « des enquêtes qui visent à enterrer la vérité ». Giuliana Sgrena, toujours en convalescence après les blessures qu'elle a subies à sa libération, très amaigrie et encore éprouvée par son long séquestre et les conditions dramatiques de sa libération, nous a raconté avoir rencontré la veuve de Calipari. « Une femme très forte et qui m'a beaucoup aidée. » Giuliana nous a avoué aussi avoir été très touchée par la solidarité que les Algériens lui ont démontré et nous a confié vouloir se rendre en Algérie dès que son état de santé le lui permettra.