L'association Les amis de la Médina et le site Sezame.info, que dirige Hakim El Ghissassi, ont organisé jeudi dernier, en collaboration avec l'Institut de l'Islam et des sociétés du monde musulman, une journée d'étude intitulée « Le financement du culte musulman et les fondations pieuses en France et à l'étranger ». Comment avez-vous été amené à organiser ce colloque sur le financement du culte musulman ? Cela fait cinq ans que l'Association des Amis de la Médina organise des colloques. Notre choix, cette année a été de sortir un peu des débats sociologiques, philosophiques et de traiter de questions d'un point de vue pratique. Nous souhaitions montrer que le Waqf a évolué avec la société et qu'il n'est pas limité aux affaires cultuelles. Le Waqf s'adapte au contexte dans lequel il intervient. Le ministre de l'Intérieur a annoncé la création d'une fondation des œuvres pieuses musulmanes qui favorisera la mise à niveau du culte musulman et la transparence du financement. Est-ce la meilleure solution pour la mise à niveau du culte musulman ? Même si la loi de 1905 sur la séparation entre l'église et l'Etat ne permet pas à celui-ci une intervention directe en termes de financement, celui-ci a un droit de regard sur la gestion du culte. Cette fondation, annoncée par le ministre, va permettre une transparence du financement du culte, d'une part, obliger les musulmans à s'organiser en matière fiscale, à avoir un contrôle de la gestion de ces finances. La mise en place d'une fondation conduira vraisemblablement à la mise en œuvre d'une charte. C'était aux responsables musulmans de faire ce travail, de chercher dans la loi ou la jurisprudence françaises les moyens de financer le culte. Mais pourquoi la demande n'est-elle pas venue des musulmans eux-mêmes ? A cela différentes raisons. L'une d'elles tient à la concurrence entre les fédérations qui ne veulent pas partager leur savoir les unes avec les autres. Il n'y a pas de cohésion, de coordination. Je les compare à des syndicats. Chaque structure garde pour elle des éléments qui lui permettent de dialoguer, de mener des négociations avec les pouvoirs publics. En second lieu, de manière générale ceux qui dirigent les mosquées (1500 mosquées recensées) n'ont pas toujours la compétence nécessaire ni juridique ni intellectuelle. En troisième lieu, on dit qu'il y a une précarité de la communauté musulmane. Je n'y crois pas parce qu'une grande partie des mosquées qui sont construites ont été financées par des fidèles. Qu'est-ce qui détermine la décision de construction d'une mosquée ? Est-ce la demande des pratiquants ? De l'association porteuse du projet ? Les mosquées des caves sont à bannir, car elles sont source de radicalisme, de frustration. Il y a besoin de lieux de culte qui s'insèrent dans le paysage français et qui répondent à la demande des musulmans et de la société. Qu'en est-il de la formation des imams ? En quoi les imams en exercice ne répondraient-ils pas aux demandes des musulmans de France ? On fait de grandes confusions sur cette question de formation. On parle de formation des imams, mais on oublie la formation des gestionnaires des mosquées. Quelle formation, quelles connaissances ont les gestionnaires des mosquées ? Il y a des imams qui prônent un discours radical, c'est une partie marginale, mais les imams envoyés par l'Etat algérien ou la Turquie ont une formation en matière religieuse. Le problème qui se pose est double : les jeunes musulmans qui sont nés ou ont grandi en France n'ont pas la connaissance des sociétés musulmanes, ils ont plus le contact avec le texte, et ils n'arrivent pas à mettre le texte en rapport avec le contexte social. Par ailleurs, les imams qui viennent de l'étranger n'ont pas la connaissance nécessaire de la société française, de la langue française. La formation doit porter sur les questions juridiques, sur la société française et sur un recyclage religieux. Avec les moyens universitaires, de documentation, de réflexion qui existent en France, une formation adaptée des imams et de cadres religieux peut être assurée. Il n'y a pas de débat de fond autour de ces questions. Je remarque que le débat autour de l'Islam est abordé de manière superficielle. La question s'est imposée à nous dans le silence, et on est en train aujourd'hui de bricoler des réponses. C'est quoi l'Islam de France ? Qu'est-ce qui le caractérise ? Ce ne sont pas les appellations qui importent, mais plutôt comment aujourd'hui les musulmans vivent et s'intègrent dans la société française, en faisant des compromis avec la société dans laquelle ils vivent. La question de l'immigration d'origine musulmane et de sa descendance est associée à l'Islam. Qu'en pensez-vous ? C'est un grave glissement. On ne va pas régler les problèmes de citoyenneté, de discrimination, de précarité par la religion. C'est une erreur que de vouloir régler les problèmes sociaux à travers le prisme religieux. Au lieu de travailler sur l'identité citoyenne, on travaille sur l'identité religieuse, ce qui risque de créer un certain communautarisme. Un travail de séparation entre les questions de religion et de citoyenneté est à faire. Il y a une classe moyenne, pourquoi ne trouve-t-elle pas sa place dans les partis politiques ? Si on veut lutter contre les discrimination, c'est par les appareils politiques qu'il faut commencer.