Le cimetière était dans un piteux état. Les ronces avaient envahi les tombes. Ces dernières avaient disparu sous les mauvaises herbes qui, livrées à elles-mêmes, s'élevaient haut dans le ciel et formaient un véritable maquis. Des dizaines de jeunes et de moins jeunes ont rejoint le cimetière, tôt le matin, pour participer à l'opération de nettoyage décidée de leur propre chef. Les chemises trempées de sueur, mais le sourire aux lèvres, ces volontaires ont défriché les lieux. D'immenses fumées noires s'élevaient dans le ciel en cette belle journée de vendredi, donnant au cimetière l'image d'un champ de bataille. Les camions rouges de la Protection civile entouraient le site pour intervenir en cas d'incendie. Des hommes ont ramené de grands plats de couscous pour inviter les travailleurs à la «zerda» de la «touiza». Une coutume que la jeune génération ne connaît pas. «Nous voulons, par cette initiative, apprendre à nos jeunes l'esprit d'équipe. C'est ainsi que nos parents faisaient pour abattre un travail difficile, explique Djaber Mohamed, le président de l'association de quartier. Nous voulons renouer avec les anciennes habitudes. Ces dernières resserreront les liens qui lient les membres de la communauté.» -Djiar Mohamed, le secrétaire de ce groupe, prend la parole : «Nous projetons de faire le même travail au niveau du deuxième cimetière (de Sidi Mohamed Chérif) et lancer une grande opération de nettoyage des différents quartiers d'Amroussa. Ce n'est pas la volonté qui manque, ni les bras ! Ce que nous ne pouvons pas faire seuls et qui demande l'intervention de l'Etat, c'est l'opération de dégagement de la terre qui obstrue l'oued, suite aux travaux effectués dans la zone de la ville nouvelle de Bouinan, et les canalisations bouchées pour la même raison. Nous sommes prêts pour une autre action de volontariat si on nous en donne les moyens !» Après ce moment de communion, les adultes et les jeunes garçons qui ont participé à cette touiza sont repartis vers la mosquée avec ce sentiment du travail accompli qu'ont ressenti leurs ancêtres sur cette même terre. Le cimetière lifté donnait une impression de fraîcheur. Les vieilles tombes badigeonnées à la chaux sortaient de l'anonymat. La touiza, une opération ancestrale, avait sorti les Amroussis de leur léthargie et leur a rappelé que le groupe ne connaît pas l'impossible.