La mise sous contrôle judiciaire de Mohamed Meziane devrait être ressentie comme un coup dur par Chakib Khelil, dans la mesure où le PDG de Sonatrach a toujours été présenté comme l'un de ses hommes de confiance. La compagnie est gérée à un certain niveau dans une totale opacité. L'opinion publique n'a pas eu le temps de saisir les tenants et les aboutissants du scandale de l'autoroute Est-Ouest qu'une nouvelle grande affaire de corruption éclate au grand jour et éclabousse une brochette de cadres dirigeants de Sonatrach, la plus grande firme d'Afrique. Même le PDG de l'entreprise pétrolière, Mohamed Meziane, et deux de ses enfants sont dans le collimateur de la justice. Les principaux griefs retenus à l'encontre de tout ce beau monde sont « conclusions illégales de marchés » et « corruption ». Même si l'annonce de la nouvelle de la mise sous contrôle judiciaire de Mohamed Meziane et de l'arrestation de deux vice-présidents de Sonatrach, ainsi que d'autres cadres de la compagnie, a fait l'effet d'une bombe au sein des institutions de l'Etat au point où aucun officiel ne veut s'exprimer sur la question, il reste que celle-ci ne constitue pas vraiment une surprise pour les initiés et les milieux médiatiques. De nombreux titres de la presse ont, ces derniers mois, régulièrement fait état de nombreuses irrégularités dans la gestion du groupe pétrolier public sans que la justice ne daigne toutefois y prêter attention. Il aura fallu attendre que des enquêteurs du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) ouvrent le dossier pour que l'opinion publique découvre avec effroi le pot aux roses. Les premiers éléments de l'enquête, confiée aux éléments des services secrets, confirment en effet que Sonatrach, l'entreprise qui fait vivre tout le pays, est non seulement gangrenée par la corruption, les passe-droits et le favoritisme, mais que celle-ci échappe presque également à tout contrôle. A posteriori, il apparaît que les millions de dinars investis ces derniers temps par certains responsables dans des plans marketing destinés à soigner l'image de Sonatrach et prouver que celle-ci est une « maison de verre » sont de l'argent jeté par les fenêtres. Il se peut aussi que les impressionnantes sommes d'argent investies dans la « com » aient tout simplement servi à alimenter les boîtes de communication des copains ou des proches. Mais cela, c'est à la justice de le déterminer. En revanche, ce qui est vrai c'est que cette affaire de passation de marchés de gré à gré conforte l'idée que Sonatrach est gérée, à un certain niveau, dans une totale opacité et, parfois même, de manière artisanale. Ce qui n'est pas rassurant non plus.Maintenant une question se pose : l'affaire qui vient d'éclabousser le gros de l'équipe dirigeante de Sonatrach repose-t-elle sur un système de corruption qui fonctionne en vase clos (c'est-à-dire qui se limite à la seule entreprise) ou bien implique-t-elle encore d'autres responsables dans le secteur de l'énergie et des mines. Et même au-delà ! Tel qu'il est conçu aujourd'hui, l'organigramme de Sonatrach tend effectivement à exclure l'idée de l'existence d'un lien organique entre les gestionnaires de la compagnie pétrolière avec les autres intervenants dans la chaîne des hydrocarbures en Algérie. Dans la pratique, l'expérience a toutefois montré que dans des cas de corruption, des liens subtils pouvaient exister entre différents acteurs qui, à première vue, n'entretiennent aucun lien entre eux. C'est sans doute la raison pour laquelle aujourd'hui, dans le cas du scandale de Sonatrach, tout le monde a peur de parler. Quoiqu'il en soit, la mise sous contrôle judiciaire de Mohamed Meziane devrait être ressentie comme un coup dur par Chakib Khelil, dans la mesure où le PDG de Sonatrach a toujours été présenté comme l'un de ses hommes de confiance. Un homme qu'il a lui-même placé à la tête du groupe pétrolier public.