Les travailleurs de la SNVI ont décidé de « suspendre la protestation pendant quelques jours afin d'y voir plus clair ». Des animateurs du mouvement de protestation, qui a secoué la zone industrielle de Rouiba durant 9 jours, nous ont déclaré, hier en fin de journée, qu'« une période d'observation s'impose suite aux actions de sabordage menées par les syndicalistes de l'UGTA ». En vérité, nous avons été poussés à la reprise par le travail de sape mené par la centrale syndicale. Jeudi dernier, très tôt le matin, les membres du syndicat d'entreprise sont allés dans les ateliers de fonderie et de carrosserie ainsi que dans ceux de la DVI pour persuader les travailleurs de mettre fin à la grève. Ils ont même procédé à des intimidations envers les récalcitrants. Des menaces du genre : ceux qui ne reprennent pas risquent d'être licenciés », nous a dit R. Hasni, un encadreur du mouvement. Et de poursuivre : « Nous avons installé un comité chargé de suivre l'évolution de la situation et des négociations entre l'UGTA et les pouvoirs publics. Si au bout d'une semaine, rien de concret n'est décidé relativement à nos revendications, nous allons reprendre la protestation. » « Les syndicalistes qui sont allés à la rencontre de Sidi Saïd mercredi dernier ont tenu, jeudi, une réunion avec la direction de l'entreprise, nous les attendrons demain matin (aujourd'hui, ndlr) pour entendre leur compte rendu. Si nous ne sommes pas satisfaits, nous reprendront la lutte », ajoute-t-il en insistant sur « l'assemblée générale de jeudi dernier était minée du fait du travail effectué très tôt le matin ». « Benmouloud et Zetoutou nous ont déclaré que des négociations sérieuses venaient d'être lancées et qu'il était impossible de continuer à négocier sans reprendre le travail. Deux jours auparavant, Benmouloud déclarait aux travailleurs et à la presse que nous n'allions jamais cesser la protestation si nos revendications n'étaient pas satisfaites. La veille, il nous demandait de ne pas sortir dans la rue pendant que lui et son camarade Zetoutou se rendaient à la Maison du peuple pour lancer les négociations. Jeudi, il est passé à la vitesse supérieure en nous disant : si vous ne reprenez pas, vous risquez de perdre vos postes. C'est incompréhensible », dit notre interlocuteur. Interrogé à ce sujet, M. Zetoutou dément avoir procédé à des manipulations, jurant qu'il n'a jamais mis les pieds dans les ateliers pour parler aux travailleurs avant la tenue de l'assemblée générale. « A l'assemblée générale de jeudi, tenue à 9h, nous avons fait lecture du compte rendu de la réunion de mercredi aux travailleurs rassemblés dans la cour. Nous leur avons dit qu'au sujet des salaires, il a été convenu de lancer des négociations au cours de ce mois de janvier, autour des conventions de branches qui n'étaient même pas à l'ordre du jour de cette année. Pour la retraite, nous avons expliqué à nos camarades que le nouveau texte de loi sera gelé jusqu'à 2011 où il y aura d'autres dispositifs législatifs complémentaires. Et nous leur avons rapporté l'assurance donnée par les pouvoirs publics par rapport à l'article 87 bis qui sera annulé dans le cadre du code du travail qui est en cours d'élaboration. La majorité des travailleurs était satisfaite. Il y avait, certes, des mécontents, mais ce n'était qu'une petite minorité, ce qui est tout à fait normal dans des mouvements de cette envergure. » Demain, M. Benmouloud, en sa qualité de secrétaire général de la fédération de la métallurgie, va réunir les 5 SGP concernées, en plus de la direction de la SNVI, « afin de constituer un groupe de travail et aller aux négociations », dit le syndicaliste. M. Zetoutou insiste cependant : « Si nous n'arrivons pas à des résultats positifs, nous allons reprendre la contestation. » « Mais des négociations vont être lancées directement avec l'entreprise pour les conventions de branches et je n'imagine pas une issue négative à ces discussions. Il va y avoir des augmentations avec un effet rétroactif à partir de ce mois de janvier », assure-t-il. Il se dit optimiste, surtout après la prise de contact vendredi dernier avec Tayeb Louh, qui les a invités à une réunion de travail. « Le ministre nous a promis d'œuvrer à résoudre tous les problèmes exposés par les travailleurs », dit-il. Un autre protestataire, mécontent de l'issue du mouvement, reproche aux syndicalistes qui ont négocié avec Sidi Saïd leur illégitimité : « Le mandat du syndicat d'entreprise a expiré en été 2008. Depuis, ce sont les mêmes membres qui continuent à activer sous l'égide du syndicat. Ils ne nous représentent pas. Pourquoi ne renouvelle-t-on pas le conseil syndical de la DVI et le bureau du syndicat d'entreprise ? » M. Zetoutou, qui ne dément pas l'expiration du mandat, avance que ce n'est pas dans l'intérêt des travailleurs d'abandonner carrément la structure parce qu'elle n'a pas été renouvelée. « Nous sommes les premiers à demander à la fédération et à l'union locale de procéder au renouvellement, mais il y a des blocages dans certains compartiments et cela ne nous engage en rien. Le bureau de l'union locale n'a pas été renouvelé depuis 3 ans, celui de la fédération depuis une année. Est-ce pour autant une raison pour inviter les gens à partir sans assurer aucune une relève ? » ajoute-t-il. Il reste que le blocage syndical à la SNVI est dû au non-renouvellement du conseil de la DVI suite à un désaccord au sujet du mode de scrutin à adopter. Les travailleurs interrogés sur l'idée de création d'un syndicat autonome qui a germé au sein du collectif de la SNVI pendant cette « révolte » nous ont déclaré : « Effectivement, il est question d'y aller, surtout si ces négociations échouent. » Le comité qu'ils viennent de mettre en place renseigne sur leur volonté d'avoir un autre cadre de lutte.