Avocats du général à la retraite Hocine Benhadid, maîtres Bachir Mechri et Khaled Bourayou ont dénoncé avec virulence ce qu'ils qualifient de «flagrantes violations» du code de procédure pénale, tout en évitant d'aborder «les questions de fond qui seront débattues en temps voulu en dehors de la place publique». Lors d'une conférence de presse, ils ont commencé par faire le portrait de l'officier supérieur, incarcéré à la prison d'El Harrach depuis une semaine, en revenant sur sa participation à la Guerre de libération, son enrôlement dans les rangs de l'ANP, dès l'indépendance, sa formation dans les grandes écoles militaires, dont celle de Paris, avec Colin Powell, mais aussi sur les missions accomplies au service du pays en tant que chef de division et de Région. «Les circonstances dans lesquelles le général a été arrêté constituent une flagrante violation de la procédure. Dans le procès-verbal d'audition établi par les gendarmes, il est clairement indiqué que le général a été arrêté mercredi 30 septembre 2015, à 18h, dans un guet-apens dressé par les gendarmes sur l'autoroute. Ils ont encerclé sa voiture, l'ont fait descendre brutalement pour l'embarquer à bord d'un de leurs quatre véhicules pour l'emmener au siège du commandement de la gendarmerie à Chéraga», explique Me Bourayou, précisant que le mis en cause a été interrogé sur les déclarations qu'il avait faites le 21 septembre à partir de son domicile, à Ben Aknoun, à une radio qui émet sur le Net. «Lors de la garde à vue, il est fait obligation à la police judiciaire d'informer le suspect des griefs qui lui sont reprochés et de lui faire subir une visite médicale dès la fin de l'audition, dont le certificat doit accompagner le dossier remis au juge d'instruction. Or, cela n'a pas été fait. Il y a une violation caractérisée de l'article 51 bis du code de procédure pénale. Les gendarmes n'ont même pas visé les pages du procès-verbal d'audition, tel que stipulé dans le même article», souligne Me Bourayou. Il continue à énumérer les nombreuses failles de la procédure : «Lors de la perquisition ordonnée par le procureur, les gendarmes n'ont même pas exhibé le mandat, alors que l'article 44 du code de procédure en fait une obligation. La perquisition s'est faite en l'absence du concerné ou d'une personne que lui-même mandate en cas d'empêchement, tel que précisé par la loi. Dans les procès-verbaux, il n'est pas indiqué les heures de repos et d'audition, comme le prévoit l'article 52 du code de procédure pénale. Toutes ces violations constituent des motifs avérés de nullité de la procédure. Ce qui est étrange, c'est qu'en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed n'est pas territorialement compétent dans la mesure où le mis en cause a fait ses déclarations chez lui, à Ben Aknoun, une circonscription qui relève de la compétence du tribunal de Bir Mourad Raïs.» Interrogé sur la présence ou non d'une plainte dans le dossier, Me Bourayou est formel. Aucune plainte n'existe dans le dossier «Le dossier que nous avons obtenu ne comporte aucune plainte. C'est sur instruction du procureur de Sidi M'hamed que les gendarmes ont agi», lance l'avocat. Me Mechri ajoute : «Effectivement, il n'y a aucune plainte dans le dossier. Mais aussi bien le procureur que le juge ont affirmé verbalement qu'il y a une plainte du ministère de la Défense nationale. Est-ce par téléphone ? Nous ne le savons pas. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'existe pas dans le dossier. Dans le procès-verbal d'audition, les gendarmes ne se réfèrent pas à la plainte.» A propos des chefs d'inculpation, Me Mechri en cite deux : «participation à une entreprise d'atteinte au moral des troupes de l'armée» et «détention d'arme à feu et de munitions de guerre». «Le mis en cause est un général à la retraite, il était chef d'une division de l'armée et a occupé des fonctions supérieures au sein de l'ANP, comment voulez-vous qu'il ne soit pas détenteur d'une arme à feu ? Il a une autorisation des autorités compétentes. Les munitions trouvées chez lui sont des cartouches du fusil de chasse qu'il a toujours eu. Lors de cette perquisition, ils ont tout pris. Les trois micro-ordinateurs de ses enfants, mais aussi la télévision et les démos. Comme si ces équipements pouvaient constituer des éléments de preuve. Comment peut-on l'accuser de porter atteinte au moral des troupes alors que le chef d'état-major de l'ANP, le général-major Gaïd Salah, ne cesse de dire que notre armée est unie, solidaire et forte ?» Ces violations, indiquent les deux avocats, ont fait l'objet d'un mémoire de nullité de la procédure qui sera déposé aujourd'hui sur le bureau du juge d'instruction. «Ceux qui ont engagé cette affaire veulent en faire une affaire politique. Mais nous voulons qu'elle reste dans le domaine du droit. Le général a été arrêté le mercredi à 18h. Il a été présenté le lendemain à 10h, puis placé sous mandat de dépôt à 23h30. Est-ce de cette manière qu'on récompense ceux qui ont servi le pays ?» lance Me Mechri. Revenant sur les déclarations du général Benhadid, Me Bourayou explique : «Il avait dit que l'armée n'est pas aussi unie et aussi solidaire qu'avant. Et quand je dis l'armée, je vise le commandement et non pas les troupes. C'est une analyse qu'il a faite sur la situation, sans porter atteinte à quiconque. N'a-t-il pas le droit de donner un avis ?» Pour l'avocat, il n'y a pas de doute : «Ce sont les déclarations du général qui sont à l'origine de la mise sous mandat de dépôt de son fils et de son incarcération. Parce que cette affaire de son fils a éclaté le 17 septembre dernier. Le fils a été entendu puis relâché. Le 29 septembre, le procureur demande à la police judiciaire de le convoquer et de le mettre en garde à vue. C'est la première fois que je suis confronté à une affaire où c'est le procureur qui ordonne la garde à vue alors qu'il est censé ordonner la fin de la garde à vue. Entre les deux dates, il y a eu les déclarations du général faites le 21 septembre.» Pour les deux avocats, la détention du général Benhadid ne se justifie nullement en raison de sa santé très fragile et de son âge avancé. «Le recours au mandat de dépôt n'est possible que lorsque le contrôle judiciaire est impossible. Le code de procédure pénale garantit les libertés et les droits des citoyens. Pourquoi mettre le général en prison alors que son fils était déjà incarcéré la veille ? Nous sommes pour une stricte application du code de procédure pénale, mais avec objectivité et équité. Le général a fait l'objet d'un véritable braquage sur l'autoroute. Y avait-il urgence à l'arrêter de cette manière violente et de le mettre en prison ? On a fait de lui un référé pénal, alimenté les rumeurs sur son état de santé au point de susciter le doute, y compris chez ses avocats», soulignent maitres Mechri et Bourayou, qui s'interrogent sur les «réelles motivations des colporteurs de rumeurs» et concluent : «A-t-on besoin de toutes ces violations pour mettre en prison un général ?»