Aïssa Moulefera est un homme-orchestre. Il est artiste, comédien et organisateur de spectacles. Un agitateur de talents. Comment vous est venue l'idée de faire du théâtre votre métier ? C'est à Aïn Témouchent que j'ai commencé mes premiers pas au théâtre. J'habitais, au tout début des années 1960, à côté d'une maison de jeunes où activait Issaâd Abdelkader, homme de théâtre… A côté du théâtre, des classes folkloriques, de la reliure et de la photo. La première pièce à laquelle j'ai participé s'intitulait Palestine, je jouais le rôle du tristement célèbre Ben Gourion. C'est à ce moment-là que j'ai fait la connaissance de Bakhti Mohamed, l'auteur réalisateur de la célèbre pièce Maâroud El Haout . C'est aussi lors d'une tournée nationale que j'ai suivi sur la scène la pièce du défunt Abdelhalim Raïs, El Khalidoune. Une deuxième pièce, Dounia, toujours écrite par Issaâd Abdelkader, m'a incité à suivre cette voie… C'est-à-dire faire du théâtre mon métier et mon gagne-pain. Vous êtes également connu comme l'un des rares organisateurs de spectacles confirmés à l'échelle nationale. Comment avez-vous là aussi appris le métier de « tourneur » ? Ayant accompagné un oncle adjoint-maire à la mairie de Béchar lors de festivités culturelles qui avaient pour cadre la capitale de la Saoura, j'ai été emmené presque naturellement à m'occuper des grands noms de la chanson lors de leur passage dans cette ville au Sud-Ouest… C'est ainsi que j'ai connu les prestigieux artistes marocains comme Abdelhadi Belkhayat, Abdelwahab Doukali… Dès 1971 et parallèlement à mes études à l'Ecole d'art dramatique de Bordj El Kiffan, j'ai été chargé d'accompagner nos illustres artistes comme Fadila Dziria, Haddad Djillali, Guerrouabi, Rabah Driassa, Mazouni, Mohamed Oujdi, Boudjemâa El Ankis, Seloua, Nora, etc. Il faut savoir que la plupart de nos artistes de la chanson étaient gérés par le Théâtre national algérien, le TNA. Parlez-nous si vous le voulez bien de votre association avec « Hdidouane »… C'est en 1978 que j'ai appelé « Hdidouane », le pivot de El Hadika sahira, à assurer ses tournées. On jouait un peu partout, notamment chez les militaires, dans les colonies de vacances et les camps Sonatrach. Je tiens ici à exprimer ma profonde reconnaissance à Djaâfar Brahim, ancien ami de Boudia, qui m'a appris le métier. Il était administrateur au Théâtre régional d'Oran et grand connaisseur au milieu des artistes. L'homme avait sur le bout des doigts le métier de tourneur. Revenons un peu à votre carrière de comédien... C'est avec Abdelkader Alloula que j'ai rejoint le Théâtre régional d'Oran où j'ai été distribué dans une bonne dizaine de pièces comme Bir El Messmoum et El Bayadik de Adar Mohamed… El Menjouj et les pièces de Abdelkader Alloula : El Ajouad, El Litham, Arlequin valet des deux maîtres. Et votre aventure avec l'écriture de l'épopée ? Il faut dire que celui qui m'a mis le pied à l'étrier, c'est Zoukh Abdelkader, ancien wali de Aïn Témouchent et actuel wali de Médéa… c'est lui qui m'avait demandé au début des années 90 d'écrire et de monter une épopée sur les événements de décembre 1960… Cette expérience, réussie selon l'avis de beaucoup de gens, fut suivi par d'autres, notamment autour du traité de la Tafna, des grandes figures de la résistance algérienne et de l'histoire millénaire de notre pays. Jusqu'à présent, j'ai écrit et monté 7 pièces épiques dont El Quods, monté dernièrement par le Théâtre régional de Tizi Ouzou. Il faut vous dire que pratiquement l'ensemble des comédiens du Théâtre régional d'Oran avait été distribué dans ces pièces presque toutes filmées et programmées plusieurs fois par la Télévision algérienne. Comment s'est faite votre rencontre avec Mustapha Kateb alors directeur du TNA et du centre d'art dramatique d'Alger (INAD) ? C'est lors d'un de ses passages à Oran que je me suis permis de m'adresser à lui. Avant d'accepter ma candidature, il a d'abord exigé de moi que je finisse mes études secondaires. C'est ainsi que je me suis retrouvé à la fin des années 60 à l'école. J'avais comme copains de promotion Remmas Hamid, Fllag, Sonia, Djamel Marir, Rabia, Zahir Mansouri Kandsi ainsi que les danseurs du Ballet national, comme Dalila Helilou et Guenbour Mokhtari. J'ai eu l'immense privilège, en 1971, d'avoir été l'assistant de Karam Moutanaâ dans le montage d'une pièce révolutionnaire… Houari Boumediène, notre ancien président, assistait à la représentation. Il faut vous dire que j'ai été major de promo. Comment vous êtes-vous retrouvé à l'Institut international du théâtre dépendant de l'Unesco à Paris ? Ayant séjourné quelque temps à Paris, j'ai été invité à monter une pièce de Nordine Aba intitulée Une si grande espérance. Cette pièce a été jouée au théâtre de Nanterre. Parallèlement à cette expérience enrichissante, j'ai été directeur artistique du Festival international universitaire de Casablanca (Maroc)… Toujours dans cette optique-là, j'ai fait tourner des troupes algériens à l'intérieur du Maghreb, notamment El Kalaâ. Puisque vous évoquez la troupe « El Kalaa », parlez nous de votre collaboration ces dernières années avec le TNA. Cela fait quatre années que je participe régulièrement, en tant que membre du collectif du TNA, à l'organisation du Festival national du théâtre professionnel qui se tient chaque mois de mai à Alger. C'est M. Benguettaf qui m'a fait appel en 2006 pour la partie accueil et hébergement des participants, ma dernière contribution est liée à l'organisation du dernier Festival panafricain abrité par l'Algérie. Que fait aujourd'hui Aïssa Moulefera ? Comédien à côté de mon métier d'artiste et d'organisateur de spectacles, je suis consultant auprès du Théâtre régional de Tizi Ouzou. le Théâtre régional de Mascara m'a fait appel dernièrement pour bien établir une grille de distribution de ses spectacles. Touche à tout, Aïssa Moulefera est devenu incontournable en matière d'organisation de spectacles. Nombre d'institutions vissées dans la pratique artistique lui font appel, dans la gestion de leurs activités périodiques. Disponible en tout lieu et à tout moment, il n'arrête pas d'étonner ses confrères de la scène, aussi bien la scène dédiée à l'art de la chanson qu'à celle offerte aux déclinaisons du corps et de la voix…