« De l'agriculteur jusqu'au consommateur, en passant par le mandataire et le marchand de détail, les prix sont multipliés plusieurs fois. Chacun décide à sa guise du niveau de sa marge bénéficiaire, sans qu'aucun contrôle sur les prix ne soit opéré. » Ça me donne des maux de tête. » Sadek, gardien de nuit dans une entreprise privée, est au bord de l'explosion. « C'est devenu presque un cauchemar à chaque fois que je mets les pieds au marché », tempête-t-il. Cet habitué du marché Tnach, à Belcourt, n'en peut plus. Il se déclare « dépecé » à cause de la flambée des prix des fruits et légumes. Le kilo de pomme de terre est cédé à 60 DA, la tomate 50 DA, la courgette 40 DA, la laitue 60 DA et les fèves 50 DA. Le poivron affiche ostentatoirement les 120 DA le kilo. Même tendance haussière pour les fruits. D'ailleurs, les mandarines et les oranges, pourtant fruits de saison, sont cédées respectivement à 100 et à 160 DA le kilo. Père de quatre enfants, Sadek, dont le salaire ne dépasse pas 15 000 DA, donne libre cours à son désarroi. « Mon maigre salaire est vite absorbé au bout de dix jours, je suis obligé d'aller emprunter de l'argent auprès de ma famille. C'est intenable ! », avoue-t-il, en accusant les vendeurs de se sucrer « impunément » sur le dos des consommateurs. « A chaque fois, ils nous sortent un alibi pour expliquer la hausse des prix. Tantôt, ils invoquent une baisse de la production, tantôt ils se plaignent du diktat des intermédiaires. Le constat est toujours le même. Ce sont nous, simples consommateurs, qui payons les pots cassés », fulmine-t-il. Notre interlocuteur pointe également d'un doigt accusateur la direction du ministère du Commerce. « C'est la loi de la jungle. » Pas loin de lui, une jeune femme en haillons, assise à même le sol, tend sa sébile. Même scène au marché Ali Mellah, à la place du 1er Mai. Ici, comme au marché Meissonnier, les prix donnent le tournis, de l'avis de nombreux citoyens. La viande rouge est cédée entre 700 et 800 DA/kg, selon la qualité, la viande blanche affiche 300 DA le kilo. La sardine 250 DA le kilo. Point de bousculade vers les étals. « Les clients sont devenus rares. Il est vrai que les prix affichés ne sont pas à la portée des petites bourses », reconnaît Abdenour, boucher de son état. Ce dernier évacue vite toute responsabilité. « Les prix de la viande au niveau des abattoirs ont flambé et on se retrouve obligés de répercuter ces prix sur le marché de détail », explique-t-il, pour se donner une bonne conscience. Au rayon des fruits et légumes, les ardoises sont beaucoup plus salées que celles du marché de Belcourt. A titre d'exemple, la tomate, de bonne qualité, est cédée à 75 DA le kilo, la courgette et l'oignon sont écoulés à 65 DA le kilo, les concombres à 70 DA et les bananes à 130 DA. Les prix des légumes secs sont aussi exorbitants. Les lentilles et les haricots blancs sont cédés respectivement à 160 et 150 DA le kilo. Même le kilo de sucre a battu les records, il est écoulé à 120 DA. Interrogés sur ces hausses intempestives, des vendeurs évoquent « les conditions climatiques » et les marchands en gros qui deviennent manifestement incontrôlables. « Il existe deux raisons principales. L'une est liée à l'indisponibilité de la production, en raison de la saison hivernale et l'autre, dont nous sommes victimes, est attribuée à la cupidité des marchands de gros. Ceux-ci ne trouvent aucun scrupule à corser les prix », dira Mohamed, tenancier d'un étal de fruits et légumes. Pour un autre marchand, la hausse des prix trouve son origine dans l'absence du contrôle parmi la chaîne des intermédiaires. « De l'agriculteur jusqu'au consommateur, en passant par le mandataire et le marchand de détail, les prix sont multipliés plusieurs fois. Chacun décide à sa guise du niveau de sa marge bénéficiaire, sans qu'aucun contrôle sur les prix ne soit opéré. Et lorsque la facturation est absente dans les transactions, bonjour la tricherie et la manipulation des prix », explique-t-il, en indiquant que les pouvoirs publics se doivent de donner un coup de pied dans la fourmilière que sont devenus les marchés de fruits et légumes. Dans le cas échéant, prévient Abdenour, « les prix ne baisseront jamais ».