Une saisie de produits parapharmaceutiques et pharmaceutiques périmés en dépôt et sur rayon de vente, opérée chez un grossiste par les éléments de la brigade de contrôle du ministère du Commerce, a semé l'émoi au sein de la population à Annaba. Elle sonne comme une alerte générale et consolide l'information selon laquelle des grossistes et des pharmacies commercialisent, sous le dessous de table, des psychotropes et autres comme le Temgesic injectable de 10 ampoules, médicament destiné exclusivement aux hôpitaux. Ainsi, après l'empoisonnement aux arômes périmés destinés aux boissons gazeuses, voilà qu'un commerçant, dans un secteur directement lié à la santé de la population, propose à sa clientèle un autre type d'empoisonnement sous forme de microperfuseur, sonde gastrique, aiguilles jetables, dakin et mercurochrome, tous périmés de longue date. Depuis la découverte de ces produits pharmaceutiques périmés, c'est le branle-bas de combat. Plusieurs pharmaciens ont réagi à ce qu'ils ont estimé être une atteinte à l'éthique et à la déontologie. « S'il s'avère que ces produits étaient en vente, c'est grave. Il s'agit d'un précédent d'autant qu'on me dit que certains médicaments interdits à la vente au public sont commercialisés comme les psychotropes, les plaques d'éventration, la morphine et les produits à base de morphine. Ce qui se passe dans le secteur de la pharmacie algérienne, particulièrement en matière d'importation, est très grave. Il est indispensable de crever l'abcès », a indiqué N. Abdelhamid, pharmacien nouvellement installé. D'autres pharmaciens ont interprété cette action de la Direction du commerce comme une mesure de représailles. Ils l'ont imputée à une tentative du ministre du Commerce de mettre au pas les pharmaciens. On se rappelle que ces derniers ont publiquement condamné la déclaration faite à Genève par M. Boukrouh en marge du 9e round de négociations d'adhésion de l'Algérie à l'OMC. La déclaration porte sur la suppression de l'obligation faite aux importateurs en pharmacie d'investir dans la création d'unités de production de médicaments en Algérie. Le docteur Lehtihet, directeur de la santé et de la population de Annaba, précise : « J'ai été informé par téléphone de cette saisie. Je demande à voir. Maintenant si réellement une infraction a été commise en matière de produits liés à la santé, il y a des procédures à respecter et des sanctions allant jusqu'à la fermeture à appliquer. C'est ce que nous ferons après enquête. » Bon nombre de grossistes et officines spécialisés dans la commercialisation des produits pharmaceutiques ont déclaré ne pas s'adonner à la vente de produits périmés. Selon eux, les stocks périmés sont incinérés après avis du fournisseur. C'est ce qu'a estimé le docteur Djaffar, président du Conseil de l'ordre des pharmaciens : « Des produits périmés peuvent être stockés dans le dépôt, mais en aucun cas sur le rayonnage destiné à la vente. Je pense que la saisie de la brigade de contrôle du ministère du Commerce concerne des produits stockés dans l'attente de leur incinération ou de leur prise en charge par le fournisseur. » Cette explication a rendu sceptiques les plus ardents défenseurs des grossistes en produits parapharmaceutiques et pharmaceutiques. « Sur le registre du commerce de certains de ces grossistes, la commercialisation des produits chimiques, comme le dakin ou le mercurochrome, n'est pas autorisée. Ce qui ne les empêche pas de le faire », souligne un des pharmaciens ayant requis l'anonymat. Pour ne rien arranger aux choses, toute la presse, prévenue on ne sait comment, était aux premières loges pour enregistrer les déclarations de M. Hachichi, directeur du commerce de la wilaya de Annaba, sur cette affaire. « En date du 1er mars 2005, nos agents de contrôle de la qualité et de la répression des fraudes ont procédé à la saisie définitive des produits périmés parapharmaceutiques et pharmaceutiques entreposés ou mis sur étalage pour leur commercialisation par un grossiste. Malgré les dénégations du commerçant concerné, je souligne que plusieurs de ces médicaments étaient sur les rayons destinés à la vente », a affirmé ce responsable. Tout en refusant de révéler le nom du grossiste, M. Hachichi a précisé que le dossier sera incessamment transmis à la justice. Rappelons que l'ordonnance n°66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, modifiée et complétée, dispose en son article 431 : « Est puni d'emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 10 000 à 50 000 DA quiconque falsifie des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des substances médicamenteuses, des boissons, des produits agricoles ou naturels destinés à être consommés ; expose, met en vente ou vend des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des substances médicamenteuses, des boissons qu'il sait être falsifiées, corrompues ou toxiques. » A la Direction du commerce de la wilaya, on ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. L'action est engagée avec des documents et des témoignages qualifiés d'intéressants. Les langues se délient. L'importation par certains grossistes de médicaments sans réelle efficacité, tels que des antibiotiques, revient sur le devant de l'actualité. On est arrivé jusqu'à mettre en cause la déclaration récente du ministre de la Santé sur les rares laboratoires, parmi les 23 en activité en Algérie, qui fabriquent les médicaments essentiels.