La manière avec laquelle le scandale de Sonatrach est géré au plan de la communication institutionnelle donne libre cours à toutes les supputations et à toutes les grilles de lecture. Un dossier qui a donné lieu à deux procès contradictoires : le premier officiel, celui de l'instruction ouverte par le tribunal de Sidi M'hamed, et l'autre, officieux, incarné par la vox populi qui s'est emparée de ce pavé en convoquant, via les médias, un tribunal populaire alimenté par des plaidoiries qui font quelque peu désordre par rapport au cours du procès marqué par une sérénité qui contraste avec les bûchers dressés, par ailleurs. C'est le cas de la contribution sentencieuse de l'ancien haut responsable de Sonatrach, Hocine Malti, parue dans El Watan où l'auteur invite les pouvoirs publics à ouvrir la boîte de Pandore en s'intéressant aux grandes niches de la corruption que sont les gros contrats de Sonatrach et de ne pas seulement s'arrêter au menu fretin. La mise au jour de ce scandale traduit-elle une volonté politique, au plus haut sommet de l'Etat, pour ouvrir le dossier de la corruption en donnant des gages politiques de cette volonté, en frappant l'hydre à la tête, en commençant par Sonatrach, porte-étendard de l'Algérie ? Des tentations velléitaires de règlement de comptes entre clans du système ? Un coup fourré de forces d'opposition non déclarée au système pour gêner Bouteflika et le système en place ? Une simple opération de relooking politique du système ? Toutes les hypothèses sont plausibles. Une chose est cependant certaine. C'est que la justice qui a été saisie du dossier sur la base d'investigations menées par les éléments du DRS (Département renseignement et sécurité) a été quelque peu prise au dépourvu par la procédure peu habituelle utilisée dans cette affaire dans la mesure où il n'existe pas de plaignant et de partie civile, un mois après l'éclatement du scandale. Ni Sonatrach ni le ministère de l'Energie ne se sont sentis interpellés et concernés par cette affaire pour se porter parties civiles. Cette fuite de responsabilité fait braquer les projecteurs sur le premier responsable du secteur, Chakib Khelil, qui affiche paradoxalement une étonnante sérénité et assurance en vaquant normalement à ses activités, s'offrant même – un hasard de l'actualité ? – les faveurs du prime time du Journal télévisé où on l'a vu inaugurer une raccordement de gaz de ville à l'intérieur du pays. Un ministre en disgrâce ne se médiatise pas ainsi ! On ne le laisserait pas user du pouvoir cathodique pour dire qu'il est là et qu'il entend demeurer à son poste s'il n'avait pas été encouragé en haut lieu à le faire. Au regard de son statut d'entreprise, Etat et nation, Sonatrach n'est pas n'importe quelle entreprise pour ne susciter que quelques déclarations furtives et peu convaincantes des pouvoirs publics exhortant les uns et les autres à laisser la justice faire son travail. Qu'en pensent le gouvernement ? Le Parlement ? La présidence de la République ? C'est le silence radio. En attendant l'issue du procès qui n'est pas pour demain, l'opinion publique, les travailleurs et les cadres de Sonatrach choqués par cette affaire, nos partenaires étrangers inquiets à la suite de ce séisme économique attendent et espèrent une réaction officielle, une stratégie de communication appropriée à mettre rapidement en place pour rassurer et préserver l'image de marque de Sonatrach ou ce qu'il en reste.