Souk Ahras, par ces temps de froid glacial, cache mal ses misères et ses petites gens, résignées à vivre en témoins d'une période faite de disparités sociales et d'une course démesurée au lucre, boudant un pays prédestiné à assurer, au moins, gîte et nourriture, à ses enfants. Des dizaines de SDF, des malades mentaux et des familles expulsées de leurs maisons, pour une raison ou une autre, composent cette plaie béante que ni les discours grandiloquents des élus locaux ni les timides opérations sporadiques menées par les organisations et associations satellitaires, ne sauront panser. C'est au petit matin que vous aurez l'occasion de connaître où se « terrent » ces Algériens « à part entière ». Caves, sous-sols, maisons effondrées, bâtisses semi-construites, vides sanitaires et tout espace susceptible de leur éviter une mort certaine, sont squattés, aménagés et remplis de chiffons, de cartons et de couvertures. Il a neigé, jeudi dernier, et la température n'a pas dépassé le 0°, la nuit. Au bas des immeubles du centre-ville, dans les logis de fortune des cités Bendada, Ahmed Loulou et dans les maisons inachevés de Djenene Teffeh et Boughouala, les sans domicile fixe ont été soumis à rude épreuve à l'insu de ceux qui, une journée durant, passent des ordres depuis le bureau où ils se trouvent calfeutrés. C'est une famille de six personnes que nous avons trouvée non loin d'une boulangerie de la vieille cité de Souk Ahras. L'occupation du commerce contigu leur a été concédée momentanément par le propriétaire pendant l'hiver, pour y passer la nuit, sans plus. Les yeux écarquillés, la peau du nez visiblement affectée par le froid, le plus jeune des enfants, âgé entre six et huit ans, a déjà l'air d'un adulte. Sa mère en haillons, laisse échapper des indices d'une aisance récente et d'une timidité de celles qui n'ont pas l'habitude de quémander. Présomption confirmée. « Nous sommes SDF depuis trois mois. Nous ne sommes pas là pour mendier », dit le père, sans se départir de son air digne mais quelque part ébranlé par les yeux larmoyants de l'autre. Trouvaille d'une nuit, pleurs d'une semaine.