Instaurer la cybersécurité mondiale nécessite, selon les experts internationaux et les commandants des forces armées venus de plusieurs pays, notamment des Etats-Unis, du Canada et de France, assister au séminaire international sur la cybersécurité, placé sous le thème «Le cyberespace, enjeux et défis», un travail commun à l'international sanctionné d'une extrême intelligence. Une menace internationale Pour ces experts, qui enrichissent le débat durant ce colloque international qui prendra fin aujourd'hui, il est impératif d'identifier non seulement les crimes et les criminels, mais surtout ne pas se tromper d'ennemi. «Les ennemis ne sont pas Google, facebook ou encore Amazon. Ces compagnies sont plutôt des alliés qui peuvent être d'un très grand apport sécuritaire. Des cas concrets, notamment aux Etats-Unis, le prouvent. D'après l'ONU, la population mondiale est encore plus touchée par les crimes cybernétiques que par la criminalité classique. Au cours des trois dernières années, entre 1 et 17% de la population en ligne dans 21 pays ont été atteints par la cybercriminalité contre 5% seulement par la criminalité classique. Durant cette même période, 2 à 16% des entreprises dans le monde ont été victimes de cyberattaques. En 2015, 30 000 entreprises ont été victimes de cyberattaques et quelque 500 millions de personnes l'ont été aussi, dont près de 300 000 sujets à des vols de données personnelles», déclare Marc Tejtel, directeur adjoint au programme de développement des lois commerciales au département américain du Commerce. S'appuyant sur ces chiffres, cet expert international n'a pas caché sa crainte de cette grande menace mais aussi son optimisme quant à la possibilité de maîtrise de ce fléau, notamment avec la présence de conventions internationales. Le mieux, pour cet expert, serait une convention universelle. «Il faut signaler qu'aucun pays n'est épargné et que la démarche internationale visant à instaurer une cybersécurité doit impérativement inclure trois principes fondamentaux», ajoute-t-il. «Il s'agit de la coopération internationale, les mesures d'urgence et la préservation de la preuve électronique. La cybercriminalité est de plus en plus dévastatrice pour trois raisons principales : le progrès technique marqué par la digitalisation croissante permettant transparence et productivité ; les données dans le ‘‘nuage'' ou cloud computing ; la diffusion des mobiles. S'ajoute à cela la sophistication croissante des hackers et la vulnérabilité des systèmes.» Des hackers en chapeau blanc Dans cet environnement connecté où la vulnérabilité face à ces attaques et le manque de maîtrise du cyberespace sont communs à tous les pays, les spécialistes de la sécurité virtuelle ont orienté leur débat vers l'obligation d'instaurer une gouvernance d'internet qui viserait à maîtriser la puissance du monde virtuel et surtout à préserver l'empreinte numérique. Cela sans pour autant toucher aux libertés individuelles. Dans cette démarche de gouvernance, les conférenciers appellent à la construction d'une relation de confiance entre les Etats et pourquoi pas s'appuyer sur des hackers «gentils» qu'ils ont dénommés «hackers en chapeau blanc». Ces derniers mettraient toute leur intelligence à aider les Etats à renforcer leurs systèmes immunitaires contre les vrais hackers qui portent atteinte à la sécurité des personnes physiques et morales. Allouer des sommes conséquentes pour la protection du cyberespace serait d'un énorme apport dans cette démarche à l'international. L'Algérie en transformation numérique Pour la Gendarmerie nationale, organisatrice de cet événement, de telles rencontres sont bénéfiques dans le sens où l'Algérie est en pleine transformation numérique et a impérativement besoin de s'inspirer des expériences internationales dans ce domaine. «Le combat que les acteurs de la cybersécurité doivent impérativement gagner est d'exercer un rôle commun dans la préservation du cyberespace et identifier des mécanismes pratiques de coopération afin de mieux appréhender les enjeux inhérents. Ce séminaire réaffirme notre volonté d'adhérer pleinement à l'édification de la société de l'information dans laquelle l'Algérie s'est engagée résolument», a déclaré le général-major Menad Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale. Dans ce sens, il a rappelé tous les efforts fournis par l'Algérie, notamment en matière de législation, à savoir la loi encadrant les transactions électroniques, entre autres la signature électronique, le dispositif appuyant les investigations et la reconnaissance des preuves numériques devant les instance de justice et celui de la protection des droits d'auteur et des droits voisins. Pour Hind Benmiloud, avocate agréée à la Cour suprême, il est obligatoire de réguler le cyberespace : «Aujourd'hui, nous avons plusieurs acteurs dans cet espace virtuel. En plus de l'Etat, il y a les prestataires de services qui sont les fournisseurs d'accès à internet, les hébergeurs, les éditeurs de logiciels et les utilisateurs. Etant donné que tout ce monde vit dans ce cyberespace, il s'agit aujourd'hui de trouver un équilibre entre la liberté, la protection de la vie privée et des données et le contrôle. Ce dernier élément est obligatoire dans le sens où il n'y a pas de frontière dans le monde virtuel, laissant la porte grande ouverte à tout type de dérives. L'Algérie n'a pas le droit, aujourd'hui, de rester en retrait de cette obligation mondiale de protéger ses usagers d'internet des attaques en appréhendant toutes ces technologies et en s'inscrivant non pas dans une politique de surveillance, mais de bienveillance.» Toutefois, certains experts algériens présents à cette rencontre ont estimé que l'Algérie reste encore très vulnérable en matière de cybersécurité. Malgré tous les efforts déployés, le vide juridique persiste. La définition des droits et des devoirs de chaque internaute sans pour autant toucher aux libertés personnelles ou imposer des restrictions sur certains sites internet s'impose avec vigueur.