L'information de sa mort s'est répandue et a peiné tous ceux, très nombreux, qui ont côtoyé ou connu le moudjahid, l'homme ou l'écrivain qu'il a été. Dda Rachid, comme on l'appelle par respect, est resté intègre et fidèle à son engagement dans la guerre de 1954-1962. Il nous quitte en laissant derrière lui des témoignages précieux sur la Guerre de Libération nationale dont il a épousé pleinement la cause. Ces huit dernières années, Rachid Adjaoud s'était investi dans l'écriture de l'histoire de la guerre d'indépendance, qu'il a souvent considéré comme «délaissée». Il a contribué à cette écriture en publiant Le Dernier Témoin (Casbah Editions, 2012), un livre-témoignage préfacé par Abdelhamid Djouadi. Le défunt était une véritable bibliothèque de l'histoire de la Révolution qui a profité aux nouvelles générations à travers de nombreuses rencontres-débats qu'il a animées à Béjaïa et ailleurs dans le pays. En décembre 2014, il était venu à notre rédaction, encore convalescent après une hospitalisation, pour nous informer qu'il avait entrepris la rédaction d'un autre livre dont il pensait qu'il était encore trop tôt pour en parler. La mort a trahi son engagement dans cette entreprise d'écriture et empêche ainsi la publication d'un nouvel ouvrage qui allait être titré, croient certains, Les Voleurs de notre Jardin. Il avait confié à son ancien compagnon de maquis, Djoudi Attoumi, avec lequel il a partagé les affres de la guerre, qu'il était question d'éditer un deuxième tome comme suite à son premier livre. Sa famille pourra peut-être publier ce que Rachid Adjaoud a pu rédiger jusque-là… «Il a vécu tous les événements de la Wilaya III, du début 1956 à l'indépendance : opérations Jumelles, Oiseau bleu, Officiers libres…» a confié à El Watan Djoudi Attoumi, qui s'est rendu dans la journée au domicile mortuaire. Avec le grade d'aspirant, le défunt Rachid Adjaoud a été l'un des trois membres qui ont constitué le comité d'investigation dans le sillage de l'affaire de la Bleuite. On garde surtout de lui qu'il a été le secrétaire du colonel Amirouche de 1956 jusqu'à quelques jours avant la mort de celui-ci, en mars 1959. En 1956, détenteur d'un certificat d'études primaires élémentaires obtenu trois ans plus tôt à Seddouk, il était jeune employé à la mairie de Seddouk. Son nationalisme le pousse à s'engager, tout jeune, dans le MTLD et dans une cellule de moussebiline en 1955. A l'âge de 18 ans, il charge sa machine à écrire et, ne faisant que suivre Si Hemimi et Naït Kabaache, il prend la route d'Ifri, où on lui confie la tâche de taper à la machine, avec Tahar Amirouchène, Hafid Amokrane et Hocine Salhi, les procès-verbaux du Congrès de la Soummam. «Il a occupé plusieurs postes», ajoute Djoudi Attoumi, une autre bibliothèque de la Guerre de Libération nationale. En intégrant le secrétariat du colonel Amirouche, le défunt a milité dans les maquis de Mezouara, à Akfadou, où était installé le PC de la Wilaya III historique et a été muté ensuite vers la Zone 1, sur la rive droite de la Soummam. «C'est à Akfadou que je l'ai connu, vers septembre/octobre 1956», se rappelle Djoudi Attoumi, qui a partagé avec le défunt l'expérience de la commission du cessez-le feu dont ils ont fait partie tous les deux pour l'application des Accords d'Evian. «Il a joué un rôle important et combattu jusqu'à la fin de la guerre. Il était un pilier de la Wilaya III», ajoute-t-il. L'autre engagement de Rachid Adjaoud dans l'Algérie indépendante, dont on parle peu, a été durant les années 1990, où il était à la tête des Patriotes dans la vallée de la Soummam. «Il était parmi les premiers à prendre les armes à cette période», confie Djoudi Attoumi qui dit de l'ancien compagnon de Amirouche qu'il a été «très actif, courageux et respecté». «Il a été courageux dans ses paroles et ses positions. Les gens l'ont apprécié à sa juste valeur», conclut-il. Rachid Adjaoud, qui a dû quitter l'ANP deux ans après l'indépendance, a été longtemps directeur d'hôpital et député. Son engagement dans la Guerre de Libération nationale a débordé sur sa vie dans l'Algérie indépendante. Dans sa maison à Tibouamouchine (Seddouk-centre), il a transformé son bureau en un mini-musée qui ne manque pas de valeur historique. Rachid Adjaoud est né le 2 février 1937 à Seddouk, le village de Cheikh Aheddad. Il y sera enterré aujourd'hui vers 14h, parmi les siens qui l'accompagneront sans doute en foule à sa dernière demeure.