Cette loi, rappelons-le, sert à évaluer a posteriori (deux années après) l'action et la gestion budgétaire du gouvernement. Les magistrats financiers ont réclamé «une plus grande maîtrise dans l'élaboration des budgets et dans l'exécution des dépenses publiques de façon à répondre à des besoins réels et soutenables budgétairement». Au chapitre des dépenses de fonctionnement, la masse salariale des fonctionnaires et les diverses subventions directes et indirectes captent l'essentiel de cet argent. Les charges de personnels, pensions et charges sociales comprises, totalisent un montant de 2162 milliards de dinars, soit plus de 45% des dépenses de fonctionnement. Une hausse sensible de 8,27% a été constatée par la Cour des comptes par rapport à l'exercice 2013. La structure des dépenses de personnel a été fortement dominée par le budget du ministère de la Défense à hauteur de 885 milliards de dinars, soit près de 41% des crédits alloués à la couverture des charges de personnels. Viendra en seconde position le ministère de l'Education nationale avec 29% (629 milliards de dinars) et en troisième position le ministère de l'Intérieur qui capte 14% de la masse salariale (303 milliards de dinars), dont près de 69% de ce budget est capté par la Direction générale de la Sûreté nationale. Le rapport de la Cour des comptes enchaîne sur une question toute aussi sensible : les subventions directes et indirectes qui, en 2014 déjà, alors que la crise venait à peine de pointer son nez, étaient plutôt insoutenables pour le budget de l'Etat, de surcroît très sensible aux fluctuations du marché pétrolier. Dans le chapitre des subventions, il y a à boire et à manger. Alors qu'ils sont sous tutelle de différents départements ministériels, qui sont par définition des ordonnateurs, leurs établissements à caractère administratifs sont subventionnés à hauteur de plus de 427 milliards de dinars. Le document élaboré par les magistrats financiers fait remarquer qu'une enveloppe de plus de 379 milliards de dinars, allouée au titre des dépenses diverses, a profité majoritairement au ministère de l'Intérieur, pour plus de 72% du montant. Le soutien aux prix des produits alimentaires (céréales, lait, huile et sucre) ainsi qu'à ceux de l'électricité, du gaz et de l'eau mobilise 32,51% du total du budget de fonctionnement, représentant un total de 1532 milliards de dinars. La SNTF et Air Algérie subventionnées Ce montant couvre aussi certaines dépenses des secteurs de la Santé et de l'Education. Cette action volontariste de l'Etat s'étend jusqu'au soutien financier des entreprises économiques, dont la SNTF (5 milliards de dinars) et Air Algérie (4,5 milliards de dinars), voire aux entreprises relevant du secteur de la communication et de la jeunesse, à l'image de l'ENTV, l'ENRS, Télédiffusion d'Algérie, etc. Au travers de la liste des produits et établissements économiques subventionnés, le dispositif s'apparente à une véritable toile de ruisseaux qui abreuvent un nombre incalculable d'entreprises et de consommables nécessitant l'apport financier de l'Etat. D'où la complexité du projet naissant chez l'Exécutif mettant, pour la première fois, au centre des controverses, l'impératif d'en finir avec un dispositif jugé «inéquitable». Cette question est l'occasion pour les magistrats de la Cour de s'attarder sur une politique de dotation budgétaire «ne répondant pas à des besoins suffisamment évalués». Certaines subventions «ne répondent pas toujours à des besoins réels de financement et s'opèrent sans prendre en compte le cumul des reliquats dégagés sur les exercices antérieurs», écrit les magistrats financiers. Au chapitre des subventions, s'ajoute une autre caisse dite de transferts sociaux, mobilisant un montant de plus de 1340 milliards de dinars au titre de l'exercice 2014. Cette caisse sert à soutenir plusieurs secteurs, dont l'habitat, le soutien aux familles, le soutien à l'éducation, le soutien aux retraites, à la santé, aux démunis, aux handicapés et aux titulaires de faibles revenus. Les transferts sociaux de l'année 2014 ont couvert, entre autres, les pensions des moudjahidine et des ayants droit de chouhada, le complément différentiel de retraite servi aux moudjahidine, le complément différentiel servi aux petites pensions, des aides de l'Etat au profit des élèves démunis, la stabilisation des prix du sucre et de l'huile, la compensation au titre du prix de l'eau produite par les unités de dessalement, les contributions de l'Etat en faveur de l'OAIC et de l'ONIL… La Cour des comptes relève une insuffisance dans la gestion de certains crédits, des lenteurs dans l'exécution des actions économiques et l'absence de mesures de suivi de ces interventions économiques. C'est dire toute la difficulté liée à la multiplicité des interventions sociales et économiques de l'Etat, ce qui rend tout aussi complexe le moindre projet de remettre en cause certaines d'entre elles.