Talaie El Houriat n'a pas encore pris la décision de participer ou de boycotter les prochaines élections législatives. C'est le comité central qui tranchera, le 7 janvier prochain. Selon le président du parti, Ali Benflis, qui a animé une conférence de presse hier dans les locaux de sa formation politique à Ben Aknoun, la décision est du ressort de la base du parti et, pour cela, une large consultation a été menée au niveau des structures locales. Le bureau politique, a-t-il dit, procédera à la rédaction d'une synthèse de ces débats et propositions, un mémorandum qui sera présenté au comité central pour trancher démocratiquement. Mais Ali Benflis semble ne se faire aucune illusion sur la prochaine échéance électorale. «Dans un contexte de grave crise politique, on nous propose la tenue d'élections qui porteront comme d'habitude la marque infamante de la tricherie politique et de la fraude électorale», a affirmé l'ancien candidat à l'élection présidentielle d'avril 2014. Pour lui, c'est même une certitude irréversible. «Cela est connu de tous et si nous avions encore quelques illusions, les deux lois organiques sur le régime électoral et sur l'instance de surveillance des élections sont venues les effacer définitivement de nos esprits», tranche le président de Talaie El Houriat. «Ces deux lois, ajoute-t-il, n'ont rien fait d'autre que de venir aménager deux pépinières luxuriantes pour la poursuite de la tricherie politique et de la fraude électorale.» Dans une déclaration liminaire qui n'est ni plus ni moins qu'un plaidoyer pour le boycott, l'orateur soutient que «dans de telles conditions, quel bien pour le pays peut-on attendre d'un recours aux urnes d'où sortira non pas la volonté irrécusable du peuple, mais seulement la volonté de la machine politico-administrative qui se sera substituée à elle de manière arbitraire et frauduleuse, en violation des règles les plus élémentaires de l'éthique politique». Ali Benflis est catégorique : «Dans notre système politique, les élections n'ont au fond qu'une raison d'être : celle d'actualiser périodiquement la distribution par l'appareil politico-administratif des quotas électoraux entre les forces politiques participantes en fonction de leur docilité ou de leur indocilité.» «Le régime politique en place tiendra les élections qu'il veut, dans les conditions qu'il veut et selon les règles faussées qu'il a lui-même imposées unilatéralement et arbitrairement», a-t-il conclu, en soutenant toutefois que la décision finale reviendra au comité central qui se réunira dans un mois à Zéralda. «Mais au lendemain de ces élections qu'y aura-t-il de nouveau, qu'y aura-t-il de profitable pour le pays», s'interroge l'orateur, avant de prédire que «la désaffection de nos concitoyennes et de nos concitoyens à l'égard de la politique n'en sera que plus grande». «Aux présentes institutions illégitimes et non représentatives succéderont d'autres institutions aussi illégitimes et non représentatives», a encore souligné le président de Talaie El Houriat, pour qui la participation permettra «au régime politique en place de gagner un répit». Selon lui, «l'impasse politique persistera et il serait vain et illusoire d'attendre que se produise un miracle et que se règlent comme par enchantement, les crises économique et sociale auxquelles le pays fait face». Ali Benflis a aussi abordé la situation économique du pays. Pour lui, «la crise n'est pas d'une complexité inouïe car elle est tout simplement la crise de l'Etat patrimonial, clientéliste et rentier». L'ancien candidat à la présidentielle 2014 considère toutefois que «cette crise n'est pas insurmontable car même à l'heure où je vous parle, le pays a toutes les capacités, toutes les ressources et tous les moyens pour la surmonter à la condition nécessaire et suffisante qu'il dispose d'une gouvernance ayant la légitimité, le courage et la volonté politique pour mobiliser ces capacités, ces ressources et ces moyens». Dénonçant le matraquage fiscal et l'augmentation des impôts qui ruinent les couches moyennes et les plus défavorisés, l'orateur indique que «cette crise a des solutions connues et praticables qui consistent en l'accompagnement de l'indispensable rationalisation de la dépense publique par les non moins indispensables réformes structurelles destinées à corriger les profonds disfonctionnements de l'économie nationale». Il faut aussi s'attaquer aux niches fiscales et récupérer l'argent de la fraude et non recouvré qui a atteint le chiffre exorbitant de 11 000 milliards de dinars, c'est-à-dire 110 milliards de dollars. Ali Benflis, qui doute de l'existence d'un programme du Président ou d'un document qui a pour appel la nouvelle politique de croissance économique, tire à boulets rouges sur un régime beaucoup plus affairé à perdurer qu'à régler les problèmes du pays. Commentant le dernier incident du Forum africain d'investissement, le président de Talaie El Houriat lâche avec beaucoup de colère que «les Algériens n'accepteront pas l'humiliation». «C'est une honte» et «c'est encore une preuve supplémentaire que le pays n'est pas gouverné», a affirmé Ali Benflis.