Le ministère de l'Education nationale a annoncé hier un nouveau calendrier des vacances scolaires d'hiver : elles ont commencé hier 20 décembre et s'étaleront jusqu'au 8 janvier 2017, alors qu'elles étaient prévues initialement du 22 décembre au 2 janvier. Dans un communiqué rendu public hier, la ministre de l'Education nationale se contente de l'annonce des dates sans aucune justification du recul sur la révision du calendrier décidé au début de l'année scolaire réduisant la durée des vacances de 15 à 10 jours. La nouvelle mesure, annoncée hier et envoyée aux établissements scolaires, a été largement commentée et dénoncée sur la Toile. Elle intervient après les manifestations de colère des écoliers enregistrées dans plusieurs wilayas dénonçant la mesure de réduction de la durée des vacances d'hiver. Pourtant, jusqu'à lundi (avant-hier) Nouria Benghabrit et son staff ont défendu le calendrier adopté au début de l'année scolaire pour que le nombre de semaines scolaires soit «aux normes universelles». «Les vacances d'hiver n'ont pas été écourtées de manière anarchique, mais sur la base d'une étude comparative entre l'Algérie et d'autres pays afin d'adapter les vacances scolaires aux critères internationaux», avait expliqué Mme Benghabrit en marge d'une séance plénière au Conseil de la nation, il y a un peu plus d'une semaine. Avant-hier encore, la ministre défendait cette décision allant «dans l'intérêt de l'élève». Pour les intervenants dans le secteur l'éducation, le recul sur le calendrier des vacances est visiblement dicté par le souci de calmer la colère des écoliers, mais surtout pour éviter le risque que cette colère s'étende à d'autres secteurs et à d'autres revendications. La paix sociale — quitte à ce qu'elle soit au détriment du rendement scolaire et de la qualité de l'enseignement — prime, «surtout que le contexte social actuel est favorable à tous les débordements», soutient Boualem Amoura, président du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation, qui estime que le gouvernement continue de «naviguer à vue». Le département de l'éducation a péché, selon les principaux syndicats du secteur, pour avoir procédé à des changements sans avoir pris en compte tous les paramètres. Pour Meziane Meriane, coordonnateur national du Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique, «la sortie des collégiens et lycéens était prévisible. Le premier trimestre étant le plus long, avec la surcharge des programmes, il aurait été plus pertinent d'écourter les vacances de printemps plutôt que celles d'hiver». Notre interlocuteur estime que les deux décisions relatives aux vacances ont été prises «dans la précipitation et sans consultation des spécialistes». Autonomie des institutions ? La ministre de l'Education nationale avait déjà fait les frais de la politique d'improvisation du gouvernement cherchant le maintien de la paix sociale, aussi précaire soit-elle. Rappelons-nous du sort réservé au projet de refonte de l'examen du baccalauréat. Alors que l'équipe de Nouria Benghabrit a défendu, des mois durant, un bac spécialisé avec une réduction du nombre des épreuves et a fait face à une campagne virulente des islamo-conservateurs, le projet a été réduit, au final, après arbitrage du Premier ministère, à une retouche de façade. La refonte du baccalauréat s'est résumée en un simple aménagement du volume horaire, avant que cette option soit abandonnée après la réticence des élèves qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux. Maintenant que les ingrédients d'une explosion sociale sont réunis, dans un contexte marqué par des mesures d'austérité, les craintes des retombées de la loi de finances 2017 et l'absence d'un plan anticrise, la ministre n'a certainement pas la marge de manœuvre nécessaire pour tenter d'introduire la moindre réforme. «Le ministère aurait dû temporiser avant d'annoncer quoi que ce soit, surtout après l'épisode du recul sur la réforme du baccalauréat», estime M. Meriane, qui s'interroge sur «l'autonomie des institutions de l'Etat que sont les ministères» qui sont ainsi «discrédités». «Jusqu'où cédera-t-on devant des caprices d'écoliers», s'interrogent des enseignants. Le Conseil des enseignants des lycées d'Algérie (Cela) estime en effet que «le recul sur le changement de la durée des vacances renseigne sur l'absence de concertation avant la prise de décision». Pour Idir Achour, porte-parole de ce syndicat, le ministère ainsi que tout le gouvernement se sont familiarisés avec la prise de décision unilatérale, sans concertation avec les concernés. «Dans le dossier relatif à la réforme, tout le monde a été écouté, sauf les concernés qui sont les élèves. Et dès que ces derniers ont estimé que leurs intérêts étaient touchés, ils n'ont pas attendu pour réagir. Le ministère aurait pu éviter une telle situation s'il avait écouté les préoccupations des élèves», estime Idir Achour. «Le gouvernement risque d'avoir sur les bras des mouvements similaires sur d'autres questions», préviennent les syndicalistes. «Si on ne recule pas devant les arguments des spécialistes, on reculera certainement sous la pression de la rue», ajoute M. Achour, qui redoute d'autres actions de protestation non encadrées dont les conséquences pourraient être fâcheuses.