Fini les années d'aisance financière gâchées, place à une thérapie de choc social. La loi de finances 2017, signée hier par Abdelaziz Bouteflika, acte officiellement le «tournant de la rigueur». A la lecture des dispositions contenues dans cette loi qui consacre des coupes claires dans le budget d'équipement et de fonctionnement avec leurs conséquences, l'exercice budgétaire émet un avis de tempête sociale. Le gouvernement, qui s'est employé désespérément à rassurer sur la sauvegarde des acquis sociaux, se heurte à une réalité économique contraignante qui va sans nul doute imposer des mesures d'austérité draconiennes. Augmentation quasi générale des prix de produits de consommation, baisse des subventions, relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée et désinvestissement massif. Des mesures antisociales qui finiront par achever le pouvoir d'achat — déjà en berne — de millions de ménages. 2017 sera une année extrêmement difficile pour les travailleurs et les couches fragiles de la société. Pas seulement. L'annulation de projets d'investissement, notamment au niveau des collectivités locales, va fortement saper les petites et moyennes entreprises et portera ainsi un coup dur à l'emploi. Phénomène endémique, le chômage repartira inévitablement à la hausse. L'année qui se termine a déjà vu les portefeuilles des grandes entreprises se vider ; elles ont procédé à des compressions d'effectifs, alors que le gouvernement a décidé le gel du recrutement dans la Fonction publique et que les départs à la retraite ne seront pas remplacés. Un paquet social qui creusera les inégalités. C'est une orientation économique ultralibérale digne du thatchérisme. «Cette loi de finances est une guerre contre le peuple», enrage le chef du groupe parlementaire du Parti des travailleurs. Vigoureusement combattu par l'opposition parlementaire (PT, FFS, Alliance de l'Algérie verte) sans obtenir la moindre concession remarquable du gouvernement, le budget de l'Etat qui entrera en vigueur dès dimanche prochain est jugé par ces partis «antisociale», voire «antinationale». De leur côté, les syndicats, fortement remontés, promettent de paralyser le pays. La trêve sociale n'aura pas lieu. Le chiffon rouge de la grève est déjà agité. De toute évidence, 2017 sera l'année de la colère sociale qu'il sera difficile à contenir. Fragilisé par des contreperformances politiques et économiques, le gouvernement, en mal de légitimité, aura fort à faire pour convaincre, d'autant que l'année sera également celle des échéances électorales. Dépourvu de capacités de négociation sociale, s'appuyant exclusivement sur un «syndicat-maison», le gouvernement risque un face-à-face tendu avec la population. Il menace de brandir le bâton pour dompter les syndicats autonomes et autres organisations de commerçants, de consommateurs. Il devra faire face aussi aux hurlements d'un patronat vivant quasi exclusivement des commandes publiques. La rhétorique «guerrière» autour de menaces et de complots extérieurs refait surface pour faire peur. Un discours destiné à justifier par anticipation la répression d'éventuels mécontentements. «Le pouvoir a-t-il la capacité de diminuer ses dépenses», s'interroge l'ancien député Abdesselam Ali Rachedi, qui ne cesse depuis des années de prévenir contre les risques d'une impasse budgétaire. «En théorie, le pouvoir pourrait déjà baisser le budget d'équipement en annulant les projets d'investissement nouveaux et en freinant la réalisation de ceux en cours. Mais ce faisant, il se tire une balle dans le pied car ces projets, censés servir l'intérêt général, sont surtout destinés à alimenter les clientèles et les réseaux de prédation plus voraces les uns que les autres et gagner ainsi leur soutien. Ces réseaux tiennent aujourd'hui le pouvoir en otage et ne sont pas prêts à se laisser éliminer sans résistance. Quant à baisser le budget de fonctionnement, c'est encore plus difficile à réaliser. On pourrait, en théorie, baisser les subventions et les divers transferts sociaux. Outre que cette mesure se heurtera inévitablement aux intérêts des barons de l'import-import, elle comporte surtout le risque d'une explosion populaire presque inéluctable», prévient l'ancien dirigeant du FFS. Cerné de partout, l'Exécutif a ferraillé pour convaincre d'une crise économique provoquée par des facteurs externes, liés essentiellement à la chute permanente des cours du pétrole, conséquence d'une offre considérable dépassant de loin la demande sur le marché international et du ralentissement de la croissance en Europe et en Chine. Mais en réalité, la crise pétrolière qui frappe l'économie nationale de plein fouet en raison de sa dépendance énergétique n'est que le révélateur d'une banqueroute programmée. Elle met à nu les tares d'un système de gouvernance politique surannée.