Facebook redéfinit la manière dont l'information est consommée et partagée et s'est imposé comme un incontournable outil de promotion de leur contenu pour les sites d'information, ainsi qu'un levier pour créer des communautés autour de marques média. Les médias traditionnels ont réussi graduellement à faire migrer leur audience historique vers leur présence en ligne. El Watan a été l'un des premiers médias algériens en ligne (depuis 1997). La création de la version électronique avait pour but de toucher le maximum de lecteurs et de garder le lien avec les lecteurs en Algérie et ailleurs. En 2008, le journal a introduit des vidéos et un fil d'actualité suivis, en 2009, par la création d'une petite rédaction dédiée au web. En 2010, il a procédé à une refonte du site pour accueillir un enrichissement de l'offre éditoriale et des productions multimédia, même si 80% des contenus du site continuent à provenir de l'édition papier. Le site possède une version mobile : 30% de son audience provient des smartphones ou des tablettes. L'accès permanent et instantané aux contenus, à travers des supports variés (mobile, tablette, PC, télé connectée), constitue une révolution : le lecteur est maître de son temps. Il est aussi sollicité en permanence par eux : les alertes, le flux des réseaux sociaux et du web. On a affaire de plus en plus à un contenu évolutif qui change en permanence par réactualisation et adaptation aux publics et aux moments de réception. Il y a deux temporalités distinctes par rapport à la culture d'un quotidien et deux dimensions-clefs : la réactivité et l'anticipation qui vont de pair et qui sont toutes deux des conditions de la réussite d'audience. Il y a un passage d'un journal comme objet fini, homogénéisant, constituant un tout à un flux continu d'informations, hétérogénéisant. Face à cette dissémination, chaque contenu est en concurrence avec d'autres, ce qui soulève la question de la marque média, de sa cohérence et de sa singularité. Riad Aït Aoudia, directeur de l'agence MediAlgeriA, nous donne son éclairage à travers quelques chiffres : «Lors de la dernière étude Immar (2015), 13% de la population déclarait lire la presse sur internet, ce chiffre est très probablement en nette hausse au vu de l'augmentation du nombre d'abonnements internet (+83%) dus notamment à la 3G et aux efforts d'infrastructures mises en place. Avec plus de 16 millions d'abonnés 3G en 2015, on imagine aisément l'importance du mobile dans l'accès aux sites d'information.» Selon lui, «la presse doit se réinventer en matière de contenu web, le brand content, les sponsorings, les applications, sont une réelle source financière complémentaire à l'achat classique. Les journaux doivent cesser la logique de ‘‘j'augmente mon prix pour compenser mes pertes'', les annonceurs sont de plus en plus attentifs au coût/contact, et dans notre marché, les autres médias et particulièrement la télévision offrent des opportunités de plus en plus avantageuses, qui ont fait transférer une partie des budgets des annonceurs de la presse vers les autres médias». Quelques quotidiens ont décidé de mettre la version du jour en ligne à partir de 10h pour préserver le marché de la presse imprimée. Mais la gratuité est mortelle. El Watan reste fortement pénalisé par le fait que les sites des journaux en ligne ou la presse électronique en général sont gratuits. Le retard catastrophique du paiement électronique n'a pas permis d'aller vers la monétisation du contenu en ligne alors qu'il y a quand même pour les sites, qu'ils soient des sites de journaux ou autres, une ressource financière à tirer de ce qu'ils produisent. S'adapter en créant de nouvelles temporalités Cette solution peut être envisageable avec le lancement par Algérie Poste de la carte de paiement électronique Edahabia qui permet d'effectuer tous types de transactions financières et commerciales via internet et le paiement électronique via les banques. Reste à savoir si les Algériens sont prêts à payer sachant qu'il y a déjà un grand handicap : la connexion à internet est déjà chère comparativement aux autres pays du Maghreb. Autre remarque : la majorité des journaux électroniques et sites web d'information sans édition papier (ou pure players) n'ont pas un business model clair. Certains font travailler au noir des journalistes et manquent de transparence. Le modèle économique doit être revu, car le mode de consommation des médias a changé, en particulier pour le contenu rédactionnel. Il s'agit d'aller au-delà de l'exposition du contenu écrit, capter l'attention et augmenter la lecture des informations. La mission du journaliste n'est plus de produire de l'information, il a un rôle d'agrégation et de récupération de l'information. Sur le plan international, les spécialistes de la question citent le titre économique Les Echos qui a réussi son virage dans le numérique. Le titre est l'un des plus digitalisés de la presse française, la version PDF du quotidien représentant près de 20% des ventes ; 30% de sa diffusion est faite purement en numérique et en vente mixte, c'est-à-dire abonnement papier numérique, il arrive à plus de 75%. 78% des lecteurs rentrent dans Les Echos par le numérique qui permet l'extension de l'activité et l'ouverture de nouveaux marchés, le public est plus large et plus jeune. C'est une révolution dont on ne peut plus se passer. La façon de travailler change. S'adapter consiste surtout à créer de nouvelles temporalités. Le défi consiste à proposer des contenus adaptés aux nouvelles exigences des consommateurs dans une société d'abondance, mobile et ultra-connectée. Les gens sont de plus en plus exposés à du contenu écrit sur les supports digitaux (PC, mobile, tablette…) surtout avec les réseaux sociaux, et forcément en consomment plus souvent. Rappelons dans ce contexte que sur une population de 40 millions, 18 millions sont des internautes, 16 millions sont sur les réseaux sociaux et que l'Algérien passe en moyenne 3h/jour sur ces réseaux. Le journaliste est devenu un producteur d'information parmi d'autres (citoyens, militants, chercheurs). L'internaute devient producteur, source et commentateur. Mais le journaliste professionnel est obligé de se recentrer sur les bases du journalisme : la vérification et le recoupage de sources. A présent, les gens ne cherchent plus l'info, car c'est l'info qui vient à eux. Les habitudes changent, et ils abandonnent progressivement le papier. Ce problème s'est posé ailleurs, et les éditeurs ont effectivement dû trouver de nouveaux modèles économiques pour monétiser leurs contenus. D'abord sur l'offre, avec une digitalisation des plateformes et des contenus, mais également dans la segmentation de ces derniers. On ne trouve pas le même contenu sur le format papier et sur le format électronique. Le format papier s'est progressivement transformé en un média où les gens viennent chercher (et trouver) plus qu'une information souvent minimaliste qu'on retrouve sur le digital. La tranche d'âge la mieux représentée se situe, dans la majorité des journaux en ligne, entre 18 et 44 ans. Il y a également un pourcentage des lecteurs qui accèdent aux versions en ligne via les terminaux mobiles (smartphones, tablettes). Cela signifie une transformation dans les modalités de réception et de consommation de la presse écrite. Sur le plan économique, une question pertinente se pose : la publicité papier est-elle menacée et qu'en est-il de la pub en ligne ? Même si dans notre marché, ce n'est pas encore très clair, nous n'échapperons probablement pas à la règle et, ici comme ailleurs, la tendance ira au déclin de la publicité papier au profit du digital.