Les associations des familles des disparus contestent d'ores et déjà les conclusions du travail du mécanisme ad hoc chapeauté par Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) dont le rapport sera remis au président de la République avant la fin de ce mois. Considérant que Me Ksentini a « échoué » dans sa mission, SOS Disparus, l'ANFD et Somoud interpellent, dans une conférence de presse animée conjointement hier à Alger, le premier magistrat du pays sur les véritables revendications des familles concernées par ce dossier. « Nous savons ce qui ressortira du rapport de cette commission. Nous avons compris les intentions de Me Ksentini exprimées dans ses différentes déclarations publiques. Nous disons donc basta ! Les familles refusent de vendre la chair de leurs enfants », a déclaré Mlle Leïla Iril, présidente de l'ANFD. Selon elle, le rapport est fondé sur deux grands axes, à savoir « l'indemnisation et l'impunité », ce que refusent les familles. « Nous exigeons que la vérité soit faite », a-t-elle clamé, avant de souligner : « Me Ksentini n'a travaillé avec personne pour élaborer ce rapport : ni avec les institutions de l'Etat ni avec les associations des familles des disparus. » Les animateurs de la conférence ont attesté que « 40% des familles concernées au niveau de la wilaya d'Alger n'ont pas été contactées ». Ali Merabet de l'association Somoud ne doute pas de l'intention de l'Etat de « classer tous les dossiers », et ce seraient « les citoyens qui vont approuver cela » à travers le projet de l'amnistie générale. Passant au crible les déclarations de Ksentini, considérées contradictoires, les trois associations exigent l'installation d'« une commission indépendante » - « commission vérité et justice » - qui aura toutes les prérogatives lui permettant de faire la lumière sur ce dossier. Se référant à l'une des déclarations de Ksentini, le président de Somoud s'interroge sur la mission de la commission ad hoc si « elle ne peut pas mener des investigations ». Relevant l'absence de « volonté politique » pour un traitement juridique de cette question, les conférenciers ont dénoncé les manœuvres de Me Ksentini dans le but d'acheter le silence des familles. « Tenez l'argent et taisez-vous, insinue-t-il », a souligné M. Merabet, avant d'ajouter : « On nous demande d'intenter des actions en justice si l'on veut que les responsables soient punis. » Mais, selon lui, « l'ensemble des familles des disparus ayant introduit des dossiers complets avec preuve à l'appui ont eu des non-lieu ». Dans ce sillage, Nassera Dutour, porte-parole du collectif des familles des disparus, rejette le projet de l'amnistie générale. Rejet partagé par les autres associations des familles des disparus. « Les autorités veulent effacer tous les crimes, comme s'il n'y a pas eu d'effusion de sang. Il est du devoir de tous les Algériens de dire non à l'amnistie, sinon pas de cette manière », a-t-elle soutenu. Les animateurs de la conférence ont affiché ainsi leur inquiétude quant à ce projet d'amnistie, surtout qu'il a été « soutenu par des personnalités qui se préoccupent beaucoup plus de leur poste de responsabilité ». Selon leurs dires, « il faut d'abord qu'on dise aux familles la vérité sur les disparus. Et après, si les familles concernées veulent pardonner, elles sont libres ».